[Tribune] Achats : comment rester stratégique à l'heure de l'agilité
Publié par Noémie Escaith et Grégory Richard, Ayming le - mis à jour à
Les adeptes de l'agile voient les achats comme un frein à l'innovation et les contournent pour les cantonner à des fonctions administratives. A charge donc pour les achats de se réinventer pour apporter une vraie valeur dans la démarche.
90% des entreprises déclarent avoir lancé des projets en mode agile, impactant les modes de fonctionnement de certaines fonctions comme le marketing et la DSI. Certains acteurs tels que ING, AXA, Allianz ou encore SKF ont décidé de généraliser l'approche à l'ensemble de leur organisation (agilité à l'échelle). Cela se traduit souvent par la mise en place d'écosystèmes, sorte de communautés pluridisciplinaires travaillant autour d'un même objectif pour un même groupe de clients. Découlent de ces écosystèmes des petites équipes (des squads) autonomes et en capacité de prendre des décisions. Ces nouveaux modèles sont inspirés du monde des éditeurs de software mais aussi de modèles plus médiatiques comme celui de Spotify.
Si ces transformations sont nécessaires, comme une anticipation pragmatique aux révolutions que certains s'apprêtent à vivre, cela n'est pas sans conséquences pour les achats qui voient évoluer d'une part leur positionnement dans ces nouveaux modes de fonctionnement, d'autre part le besoin de leurs prescripteurs :
- modes d'interventions nouveaux;
- fournisseurs inconnus au panel;
- délais de sourcing raccourci;
- visibilité planning et budgétaire floue...
Le mode agile : un vrai challenge pour les achats
C'est en effet un nouveau mode de fonctionnement que les départements achats auraient tort de considérer comme une passade, car si l'approche agile génère autant d'engouement, c'est qu'elle permet à l'entreprise d'assurer la cohérence avec le besoin client tout en réduisant le time to market. Et ça marche ! Trois fois plus de projets aboutissent avec succès en adoptant une approche agile comparé à une approche traditionnelle.
La recette miracle ? Simplicité et voix du client. Les équipes agiles travaillent par boucles courtes : un objectif simple, des délais courts et des revues régulières avec le client. La planification à outrance est ainsi proscrite, se faisant au fur et à mesure des boucles et retours client. Il faut donc assurer la disponibilité de la bonne compétence au bon moment et tout de suite : c'est le nerf de la guerre et un challenge redoutable pour les organisations achats traditionnelles. Or, les achats ne sont en effet pas toujours adaptés à ces nouvelles évolutions. Le mouvement croissant d'externalisation et la consolidation de certains marchés auprès de fournisseurs globaux les ont poussé à se processer, à se centraliser, ce qui a permis de gagner en pouvoir de négociation mais a eu pour conséquence de diminuer la proximité avec les prescripteurs, de perdre en flexibilité, d'appauvrir la diversité des panels fournisseurs.
Ces évolutions qui ont permis la sécurisation de la relation fournisseurs, l'augmentation du niveau de contrôle budgétaire... ont aussi abouti à des processus plus lourds et souvent mal digitalisés. Il n'est pas rare de voir des processus de validation réclamant jusqu'à 6 approbateurs par boucles : les délais d'exécutions trop longs sont une "douleur" récurrente". A cela s'ajoute le fait que les approches agiles sont fondées sur la découverte progressive des attendus et une consommation itérative du budget en fonction des résultats. Or jusqu'ici le besoin avait toujours été exprimé de manière figée.
Sans description précise du scope, comment construire le budget et les délais associés, éléments clés habituellement nécessaires aux appels et contractualisations d'offres ?
Assez d'éléments pour que les adeptes de l'agile voient les achats comme un frein à l'innovation et les contournent pour les cantonner à des fonctions administratives. A charge donc pour les achats de se réinventer pour apporter une vraie valeur dans la démarche.