"Made In France" ou pays à bas coût : les achats à l'heure du choix
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En 2020, pour 54% des directions achats le Made In France (ou les achats locaux) est un critère d'attribution du business. Un résultat qui est en constante évolution depuis 2017.
Acheter Made In France ne semble plus relever de l'anecdote ou d'une simple question d'image. C'est une tendance de fond qui s'impose, révélée par l'édition 2020 de l'étude "Tendances et priorités des départements achats", réalisée par le cabinet AgileBuyer avec le CNA. Désormais, la territorialité s'ancre dans les pratiques achats. Elle est d'ailleurs citée par 32% des directions achats comme un axe de contribution de la fonction à la stratégie de l'entreprise. En 2020, pour 54% des directions achats le Made In France (ou les achats locaux) est un critère d'attribution du business. Un résultat qui est en constante évolution depuis 2017 (31% en 2017, 46% en 2018, 53% en 2019 et 54% en 2020).
"Il y a une vraie demande pour le Made in France", commente Elisabeth Philippe, directrice des achats d'Agromousquetaires (pôle agroalimentaire du groupement des Mousquetaires). "Intermarché a été la première enseigne à annoncer qu'elle allait afficher le % de produits français dans le produit fini avec le Francoscore. Acheter français, plus qu'une contrainte, peut-être vu comme une opportunité d'un point de vue RSE."
Les secteurs les plus concernés par le Made In France sont l'aéronautique et la défense (71%), la mode et le luxe (71%), le tourisme et le transport (68%), l'agro-alimentaire (67%) et les services (66%). On retrouve là les fleurons de la vie économique française : l'aéronautique et le luxe. Si l'aéronautique bénéficie de l'existence de clusters compétitifs et de groupements de PME françaises innovantes dans son secteur, le secteur du luxe investit le Made In France davantage dans un souci d'image.
"C'est d'une façon logique que l'agro-alimentaire, avec une problématique de la traçabilité des produits, les scandales alimentaires et les nouveaux modes de consommation, mise sur les achats locaux et/ou le circuit court", commente Olivier Wajnsztok, directeur associé de AgileBuyer et grand chef d'orchestre de cette étude.
"Le luxe est souvent associé au "Made In France", à la qualité d'un savoir faire français, au raffinement... chez Clarins nous fabriquons nos produits en France, donc nous favorisons le développement de nos fournisseurs français pour donner aussi du sens à nos achats au travers du développement responsable, d'une vision économique et sociale, d'une agilité de notre supply chain", assure Emmanuelle Wallon, directrice des achats Groupe de Clarins. "Donc acheter Français, ce n'est pas du luxe !"
Mais il devient plus difficile d'acheter français, selon l'enquête. Ainsi, en 2020, 55% des directions achats avouent n'avoir aucune contrainte pour acheter du Made in France (contre 68% soit une baisse de 13 points par rapport à 2019). En 2020, 21% des acheteurs admettent que certains produits ne sont pas disponibles sur le territoire français (contre 15% en 2019 ; soit une hausse de 6 points) et 13% considèrent que cela est beaucoup trop cher (contre 10% en 2019, soit une hausse de 3 points).
Un manque de suivi dans les achats locaux
Si les entreprises sont désireuses d'acheter local malgré les contraintes citées ci-dessus, seules 31% d'entre elles suivent le pourcentage d'achats Made In France (ou achats locaux). Dès lors, comment inscrire cette démarche achats dans la stratégie RSE de l'entreprise ? Comme en 2019, les secteurs banque-finances-assurances et tourisme-transports arrivent en tête dans les secteurs n'ayant pas de contraintes pour acheter du Made In France (avec respectivement 86% et 79% des votes). L'industrie lourde arrive en 3e position (à 63%) et relègue le secteur de la mode et du luxe à la 5e place en 2020.
Une dualité achats dans les pays à bas coût
En 2020, 65% des directions achats considèrent que les achats dans les pays à bas coût n'est pas un axe de travail, contre 69% en 2019 (soit une baisse de 4 points). "Mais si ce chiffre baisse, nous observons a contrario, qu'il se répercute ailleurs", indique Olivier Wajnsztok. Ainsi, les achats vont augmenter dans les pays à bas coûts (à 21%, soit 2 points de plus) soit vont diminuer (5% de réponses, soit 3 points de plus). En clair, plus d'entreprises travaillent sur la problématique d'achat dans les pays bas coûts, soit en relocalisant soit en augmentant la part d'achat en pays bas coûts. Ce n'est pas de la schizophrénie, c'est du pragmatisme. C'est adapter ses achats à des demandes clients variées". Parmi les secteurs admettant vouloir acheter davantage dans les pays à bas coûts figurent l'aéronautique-défense (à 46%) suivie de l'automobile (34%), de l'industrie lourde (34%) et de l'énergie et l'environnement (30%).
Acheter dans les pays à bas coût peut nuire à l'image de l'entreprise (si cela est mal géré), sans parler des difficultés de traçabilité que cela peut engendrer. Ainsi, on note que 16% des directions achats du secteur des services/conseil /formation et 13% de l'agroalimentaire veulent diminuer leurs achats dans les pays à bas coût. Le secteur de la mode et du luxe arrive en 3e position avec 12% des réponses.
Des relocalisations peu envisagées, mais en progression
La volatilité de l'environnement géopolitique devrait pousser seulement 16% des entreprises à relocaliser (contre 12% en 2019, soit une hausse de 4 points).
"Après une décennie qui s'est traduite par des externalisations de services dont la valeur ajoutée n'a pas été toujours au rendez-vous, notre groupe travaille sur des ré-internalisations ou des relocalisations qui se traduisent par de gros programmes de formation au bénéfice des acteurs internes", indique Sylvie Robin-Romet, directrice des achats groupe du Crédit Agricole.
La France est perçue comme une zone de relocalisation potentielle
En 2020, les zones de relocalisation envisagées par les entreprises concernent l'Europe (hors Hexagone) à 63%, la France à 59%, suivis de l'Asie/Australie (17%) et Amérique(s) (13%). Fait important : la France devient en 2020, une zone de relocalisation envisagée autant (ou presque) que le reste des pays européens. Si on compare aux résultats de 2019, la France était alors une option de relocalisation pour seulement 54% des entreprises françaises tandis que ses voisins européens recueillaient 73% de réponses favorables (soit une chute de 10 points en 2020 !). Cependant, ce rééquilibrage apparent dépend des secteurs économiques : Dans l'IT, parce que des oligopoles subsistent ; et dans la construction, parce que la demande est supérieure à l'offre. La situation peut être très différente d'un secteur à l'autre.
Les impacts environnementaux ou les bénéfices d'une relocalisation
Si la sécurisation reste l'enjeu majeur d'une relocalisation pour 84% des directions achats, l'impact environnemental est cité juste après à 49%. Il arrive en 2e position, ce qui est en soi une petite révolution si on compare avec les résultats de 2019 où il ne recueillait que 30% d'avis, en 5e position. De même, la réduction des coûts n'est désormais plus un argument de poids dans le choix d'une relocalisation. Elle n'est cité qu'à 28% en 2020 (5e place) contre 39% en 2019 (3e place).
Lire tous les sujets traités dans le cadre de cette enquête:
Les grandes priorités des services achats en 2020
Les achats se détachent (un peu) de la réduction de coûts
Les relations donneurs d'ordre-fournisseurs se rééquilibrent
La fonction achats accélère sa digitalisation
Les achats durables, une vraie préoccupation... mais pas une priorité
Les achats côté RH : une grande satisfaction et quelques désagréments