[Juridique] Rupture brutale du contrat de fourniture au sein d'un réseau : qui est responsable ?
Publié par Gérard Picovschi, Selas Avocats Picovschi le - mis à jour à
La mise en place de relations commerciales donne généralement lieu à la conclusion de contrat de fournitures entre les différents partenaires économiques. Si les relations commerciales peuvent en principe être rompues librement, attention toutefois que cette liberté ne dégénère pas en abus.
Rupture brutale du contrat de fourniture : quand et comment ?
La rupture des relations commerciales entre professionnels est régie par le Code de commerce. Le prestataire qui souhaite mettre fin aux relations contractuelles, doit nécessairement informer le cocontractant de son intention. Une notification devra à cet effet lui être adressée.
La rupture d'un contrat est en principe régie par la liberté contractuelle. Ce principe est toutefois tempéré par l'article L442-6 qui dispose que le professionnel qui rompt brutalement "une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée", engage sa responsabilité et peut être contraint à réparer le préjudice causé.
Il convient également de préciser que la rupture des relations commerciales établies ne sera en principe effective qu'une fois le préavis réalisé. Attention ! La durée du préavis doit en principe tenir compte de la durée de la relation commerciale et des usages de la profession. L'absence de préavis ou la présence d'un préavis trop court pourrait permettre de qualifier la rupture d'abusive.
La brutalité de la rupture dépendra donc de nombreux éléments. Si elle est reconnue, l'auteur pourrait voir sa responsabilité civile délictuelle engagée et être condamné à verser des dommages intérêts qui dans certains cas peuvent être relativement importants. Recourir à un professionnel du droit pour défendre vos intérêts en justice sera alors indispensable pour identifier clairement les éléments en votre faveur.
Rupture du contrat de fourniture : y a-t-il un responsable ?
Dans un arrêt en date du 7 octobre 2014, la Cour de cassation a considéré que les relations commerciales devaient s'entendre des échanges commerciaux conclus directement entre les parties (Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 octobre 2014, n°13-20.390).
La société à la tête du réseau peut-elle voir sa responsabilité engagée alors même qu'elle n'entretient pas directement des relations commerciales avec le prestataire ? La Cour de cassation semble considérer que dans la mesure où la société à la tête du réseau impose à ses membres le recours à certains prestataires, les privant ainsi de toute liberté de décision, seule la responsabilité de la société décisionnaire peut être retenue, à savoir la société à la tête du réseau (Cour de cassation, 5 juillet 2016, n°14-27.030). Le critère déterminant est donc la personne qui a pris la décision de contracter avec un partenaire.
En revanche, si un membre du réseau de franchise décide seul et sans l'intervention de la société à la tête du réseau, de ne plus faire appel au service d'un prestataire et de mettre un terme à leurs relations commerciales, le principe d'indépendance des personnes morales devrait permettre de n'engager la responsabilité que de l'auteur de la rupture, et non de la société à la tête du réseau.
Il convient enfin de préciser que "seul le préjudice causé par le caractère brutal de la rupture doit être indemnisé et non celui résultant de la rupture elle-même" (Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juillet 2016, n°15-17.004). En effet, la perte du bénéfice d'un contrat n'est pas un préjudice indemnisable.
Gérard Picovschi, avocat Selas Avocats Picovschi
Lire aussi, de ce même auteur:
[Juridique] La clause d'approvisionnement exclusif dans le contrat de franchise
[Tribune] Le déséquilibre significatif dans le contrat : quels sont les risques ?
[Tribune] Obligation d'information : renseigner son partenaire pour éviter les conflits
[Tribune] Révision du contrat de vente en raison d'imprévus : quelle nouveauté ?
[Tribune] INCOTERMS : La détermination des obligations de l'acheteur et du vendeur