[Fiche pratique] En quoi la fonction achat est-elle concernée par la loi SapinII?
Publié par Céleste Cornu, EuroCompliance le | Mis à jour le
La moitié des cas relatifs à des faits de corruption concernent des prestataires ayant accepté de financer des cadeaux, voyages et autres avantages pécuniaires à des acheteurs afin de "sécuriser" leurs contrats
La loi du 9 décembre 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, a marqué un tournant en matière de prévention de la corruption en imposant le déploiement de dispositifs anticorruption au sein des organisations de plus de 500 collaborateurs et 100 M€ de chiffres d'affaires et dans les collectivités publiques. S'il revient à la fonction conformité, de déployer, faire vivre et ajuster ces dispositifs, la fonction achat est concernée par la déclinaison de mesures appropriées.
En effet ces dispositifs se doivent d'adresser la corruption active - le fait d'offrir des avantages indus de façon à influencer une décision ou action - aussi bien que la corruption passive - le fait de recevoir des avantages indus en vue d'infléchir une décision ou action. A ce titre, les acheteurs - la fonction achats, mais aussi les prescripteurs au sein des services - sont considérés comme étant des personnels exposés au risque de corruption. Et, si on analyse les conventions judiciaires d'intérêts publics signées depuis la création du dispositif en 2018, la moitié des cas relatifs à des faits de corruption concernent des prestataires ayant accepté de financer des cadeaux, voyages et autres avantages pécuniaires à des acheteurs afin de "sécuriser" leurs contrats (cf. CJIP Poujaud, CJIP Kaeffer Wanner ou CJIP SET Environnement). Ainsi certaines sociétés ou les organisations publiques sont considérées "à risque" en vertu de leur rôle d'"acheteur" et non de leur activité commerciale.
Ainsi il est nécessaire de garantir un processus achat impartial. Pour cela les attentes rejoignent les bonnes pratiques déjà connues : recours à des fournisseurs et sous-traitants qui ont fait l'objet d'une procédure de préqualification indépendante (intégrant une due diligence et des engagements contractuels spécifiques) ; évaluation des demandes d'achats dans le respect d'enveloppes budgétaires prédéfinies; mise en concurrence des fournisseurs et sous-traitants ; sélection par au moins deux personnes ou un Comité dédié en fonction des montants engagés ; double signature des contrats ; principe de séparation des pouvoirs ; vérification de la réalisation des services ; évaluation de la performance des fournisseurs ; rotation des portefeuilles achats... Le respect de ces pratiques doit faire l'objet de contrôles dédiés et d'audits internes par échantillonnage. Dans cette perspective, l'existence d'un département achat qui apporte indépendance et professionnalisation vis-à-vis des opérationnels est vertueuse. Et il est souhaitable qu'un maximum de catégories d'achats soient pilotées ou a minima accompagnées par une fonction indépendante des utilisateurs (y compris pour les prestations immatérielles de conseil, conseil juridique, communication etc.).
Par ailleurs, toutes les questions relatives à la déontologie doivent être adressées. En particulier il est important de définir des règles en matière de cadeaux et invitations et de conflits d'intérêts (apparents ou réels). Ces éléments doivent être intégrés dans les politiques et procédures de l'organisation en incluant des exemples concrets, appropriés au secteur d'activité ou faire l'objet de procédures dédiées. Et si la finalité n'est pas de tout interdire sans discernement, il est nécessaire d'éliminer toute situation de redevabilité et donc d'éviter les pratiques de nature à influencer le jugement sur des critères autres que professionnels. Les règles applicables doivent donner lieu à des formations permettant la compréhension des enjeux pour la personne morale, ses dirigeants et collaborateurs ; les conséquences en cas de pratiques répréhensibles ; les règles et sanctions applicables et le dispositif existant. Il est utile de rappeler que les dispositifs d'alertes, généralisés dans toutes les organisations supérieures à 50 personnes, idéalement ouverts aux tiers, facilitent la remontée des comportements inappropriés auprès des personnes en capacité de mener des enquêtes internes et d'en tirer les conclusions nécessaires. Ainsi, au-delà des exigences formelles, c'est une véritable culture d'éthique d'entreprise qu'il s'agit de promouvoir.
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par Céleste Cornu , cofondatrice et présidente de EuroCompliance