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[Chronique achats] Négociation et questions sensibles : Comment ordonner les sujets à évoquer ?

Publié par Quentin Mirablon, The Buyers'Lab le - mis à jour à

L'ordre des sujets évoqués a une réelle importance, surtout lorsqu'ils ne sont pas tous "joyeux"...Je vais donc vous proposer un petit classement, basé sur mon expérience, et répondre à la fameuse question "Dois-je commencer par les sujets sensibles en premier, ou les glisser à la fin?".

Je suis un très grand fan de la préparation de négociation (ça c'est une bonne introduction).

Et d'ailleurs, je sais que vous êtes du même avis que moi.

À travers ma Negociation Task List (NTL), je vous propose un maximum de sujets, dont la préparation des sujets à traiter avec votre interlocuteur, mais sans entrer dans les détails.

Quand je préparais ma liste des points à traiter, je les écrivais à la suite, sans me poser la question de l'importance.

Je me disais qu'au final, il ne sert à rien de faire en plus de la liste, un classement ou un ordre des discussions, du moment que tout sera traité.

Mais après plusieurs essais, je me suis rendu compte que l'ordre avait une réelle importance, surtout lorsque les sujets n'étaient pas tous "joyeux" (encore un terme de Bisounours, mais je n'ai pas de synonymes agréables)...

Je vais donc vous proposer un petit classement de l'ordre du jour, selon mon expérience, et répondre à la fameuse question "Dois-je commencer par les sujets sensibles en premier, ou les glisser à la fin ?".

Avant de m'attirer les foudres de mes lecteurs, je tiens à préciser qu'il s'agit d'un avis personnel, qui s'appuie sur des phases de tests, mais que cela reste hautement contestable. Nous sommes en plein coeur des relations humaines et trouver des règles applicables à chaque situation est clairement impossible. Mais on peut quand même essayer d'avoir; dans sa boîte à outils, un ou deux coups de maîtres.

Prérequis

Avant de vous lancer, vous devez bien évidemment avoir "listé" l'ensemble des sujets, cela va de soi.

Je vous conseille, dans un second temps, d'ajouter en face de chaque sujet un "indice" de sensibilité. Pour ma part, j'utilise un système de notation allant de 1 à 4 (1 étant un sujet non problématique et 4 un sujet très sensible). Pour ce qui est de l'ordre, nous allons y venir.

Vous devez aussi vous assurer que vos interlocuteurs vont recevoir le planning. Vous l'aurez compris, l'enjeu ici est de prendre le lead sur cette négociation, mais de rester limpide.

Envoyez donc par avance la liste de vos sujets (sans les informations de gravité, je ne pense pas que cela soit nécessaire). Vous devez partager ce genre d'information pour qu'ils puissent se préparer également. Le but est de trouver un accord, et je vous le répète, nous ne sommes pas en guerre.

Créez un climat de confiance

On commence toujours par des sujets qui n'apportent pas de valeur. On peut demander si le voyage s'est bien passé devant un bon café (on ne va pas se mentir, on s'en fiche, mais ça permet de ne pas commencer directement). C'est aussi l'occasion de créer un "rapprochement" avec votre interlocuteur, un point commun pour vous dire "Ahhh, nous sommes pareils, en fait".

Vous avez besoin de sujets ? En voici quelques-uns :

- Comment se porte votre société ? ;

- Avez-vous de nouveaux investissements de prévu ? ;

- Le marché est-il favorable ? ;

- Un sujet d'actualité (qui se rapproche de votre collaboration) ;

- La présentation des nouveaux participants ;

- Le temps qu'il fait (un peu facile mais cela marche toujours, comme avec ma grand-mère) ;

- Autres. La liste est longue.

Que l'on soit bien d'accord, pas de blagues bien lourdes à la Jean-Claude Convenant.

L'ordre du jour

Maintenant que vous êtes installés, prenez le lead et présentez l'ordre du jour.

Il est important de prendre le lead et de le garder. Ce n'est pas une question de rapport de force, mais plutôt de ne pas s'éloigner de votre préparation. Vous le savez aussi bien que moi, même en gardant le lead, vous allez perdre le contrôle à de nombreuses reprises (à vous de voir ce que vous acceptez ou non).

L'ordre des sujets

Jusqu'à présent, je suis persuadé que nous sommes tous d'accord sur le déroulement. Mais à partir de maintenant, les avis vont diverger.

Prenons comme exemple 5 sujets à traiter, avec le système de notation que nous avons établi en première partie :

- Sujet 1 - 3/4

- Sujet 2 - 4/4

- Sujet 3 - 2/4

- Sujet 4 - 1/4

- Sujet 5 - 1/4

Comment allez-vous décidé de les classer ?

Pour ma part, voici le classement :

Sujet 4 - 1/4

Sujet 3 - 2/4

Sujet 2 - 4/4

Sujet 1 - 3/4

Sujet 5 - 1/4

Je vous conseille de commencer par un sujet qui ne sera pas sensible, où vous "sentez" que l'accord sera facile et gagnant (un peu d'intuition ne fait pas de mal).

Pourquoi ? La réponse est très simple, car on veut instaurer un climat de "gagnant-gagnant". La victoire entraîne la victoire. Si vous avez gagné (je parle des deux camps), vous serez dans une bonne lancée et la régression ne sera plus permise. Vous partez donc sur de bonnes bases pour l'arrivée des sujets sensibles et votre interlocuteur aura envie de trouver un accord positif.

Pour vous donner une image, prenez les joueurs de poker : plus ils misent, moins ils auront envie de se coucher. Ici c'est la même chose, il a investi de l'énergie positive dans cette négociation, il sera moins attiré par la position du non-accord.

Regardez bien votre interlocuteur et au moment où sa "barre positive" est au max, vous pouvez lancer les sujets sensibles (je fais référence à la barre dans les jeux vidéo).

J'ai également trouvé une autre utilité à cela. Si vous êtes un joueur de tennis de table ou de tennis, vous allez comprendre :

Avant un match, on se fait des échanges où les points ne comptent pas, on peut même parler d'échange de politesses. Le but est de tester l'autre pour comprendre sa façon de jouer.

Vous allez m'objecter : "Quentin, on veut de la négociation win-win. Ici tu essaie de gagner le match, donc ce n'est pas productif". Oui, c'est vrai !

Mais je veux maladroitement vous dire qu'il s'agit de vous vous synchroniser avec lui, pour arriver à des accords, ou pourquoi pas, de la création de valeur. Prendre le lead n'est pas un signe de manipulation.

Pour paraphraser Hugues Poissonnier, ce n'est pas parce que vous avez le pouvoir que vous devez l'utiliser. L'art du leadership se trouve ici.

"Et si mon interlocuteur prend le lead et commence par ce genre de sujet". Effectivement, cela n'est pas bon signe. Je vous propose de recadrer la discussion et de dire que vous préfèreriez un autre sujet pour le départ, car vous n'êtes pas encore disposé à commencer par ce point, ou tout simplement, dire la vérité en expliquant que commencer par un sujet si complexe pourrait nuire au reste de la négociation.

Et enfin, vous pouvez terminer par des sujets simples, pour finir sur de bonnes bases.

Laissez-moi vous parler de l'un de mes mentors. Il avait la capacité de switcher d'un sujet à l'autre, avec une fluidité déconcertante. Quand un sujet sensible était bloqué, il lançait un sujet simple et il repartait sur le sujet sensible. Vous pouvez appliquer cela en cas de besoin. Il n'y a pas vraiment de méthode, vous devez être à l'aise avec vos sujets.

Le mot de la fin

Le but de cette méthode est de mettre toutes les chances de votre côté pour atteindre vos objectifs communs avec votre interlocuteur. Mettre un ordre du jour ne vous fera pas forcément atteindre vos objectifs, mais vous pourrez instaurer un climat de confiance.

Prenez le temps de bien préparer votre entrevue, attention à bien garder le lead et surtout, partagez les bénéfices de cette négociation avec votre partenaire.

L'idée n'est donc pas de passer trop de temps sur ce sujet, nous avons d'autres news à fouetter, mais d'apprendre à être agile sur les sujets.

Gardez en tête que ceci n'est pas une science exacte et que vous devez appliquer votre propre méthode. Ceci est simplement une marche à suivre pour la création de votre propre style de négociation.

Et vous, comment préparez-vous votre ordre du jour ? Par quel type de sujet commencez-vous ?