Achats responsables : faites de la société civile une alliée
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Aujourd'hui la société civile a voie au chapitre dans le domaine des achats responsables, poussée par une plus grande exigence des consommateurs. Les ONG ne sont pas là que pour dénoncer les mauvaises pratiques et désormais, les directions achats n'hésitent plus à solliciter leur expertise pour les accompagner.
"Les citoyens ont un pouvoir fort vis-à-vis des entreprises auprès desquelles ils achètent et la méfiance accrue des consommateurs a forcé aussi les entreprises à modifier leurs pratiques, explique Marie-Christine Korniloff, Directrice déléguée au monde économique du WWF. C'est notamment le cas des certifications comme FSC pour l'approvisionnement bois qui sont de plus en plus plébiscitées par les consommateurs, incitant les entreprises à s'y référer dans leur politique d'achat".
Des consommateurs en quête de transparence
Une vision partagée par Blaise Desbordes, directeur général de l'ONG Max Havelaar France. Selon lui, si les demandes d'accompagnement émanent majoritairement des directions RSE ou développement durable et achats, "il n'est pas rare que des salariés viennent nous solliciter comme ce fut le cas chez Colas". Le directeur général France s'amuse par ailleurs à souligner qu'ils reçoivent un plus grand nombre d'appels de la part d'entreprises à la suite d'une campagne médiatique sur ces thématiques. Ainsi, selon Marie-Christine Korniloff, "des entreprises anticipent le changement climatique et adaptent leurs sources d'approvisionnement pour y faire face. Nous observons ainsi une intégration plus forte des enjeux environnementaux dans la gestion des risques liés aux approvisionnements, cela devient un enjeu business critique pour les entreprises". Car, les ONG ne font pas que dénoncer les mauvaises pratiques. Elles peuvent aussi apparaître comme une sorte de troisième voie pour aider les directions achats à approfondir leur politique d'achats durables. Un accompagnement qui ne se cantonne pas à la communication souvent qualifiée de "green washing" mais qui comprend un travail de fond sur de réelles pratiques d'achats durables (sourcing, risques fournisseurs, chaîne d'approvisionnement...).
Une expertise au-delà du green washing
Le WWF met en place des partenariats avec des entreprises soucieuses de développer une politique d'achat responsable en se basant sur des données scientifiques. "Notre théorie du changement repose sur la transformation des pratiques par les entreprises majeures sur leur marché qui influencent ensuite tout leur secteur, qui tirent vers le haut les critères d'approvisionnements et qui entraînent avec eux leurs clients et leurs fournisseurs", explique Marie-Christine Korniloff . Pour cela WWF réalise des évaluations ou baromètres permettant de mesurer l'impact d'une filière (bois, soja, huile de palme...). "L'objectif est d'informer globalement pour faire changer les pratiques des entreprises que nous accompagnons ensuite dans l'analyse de leur approvisionnements". C'est le cas du Groupe Michelin, premier acheteur mondial de caoutchouc naturel, qui s'est engagé dans un partenariat avec WWF dès 2015 pour une transformation du marché de l'hévéa vers des pratiques durables. Il s'agissait alors "de définir et développer une filière du caoutchouc naturel responsable au niveau international" et de renforcer la lutte contre la déforestation en Asie du Sud-Est, premier fournisseur de caoutchouc naturel dans le monde. Le groupe s'est engagé notamment sur le fait de rendre plus transparente sa chaîne d'approvisionnement. Et une plateforme internationale pour le caoutchouc durable a vu le jour en 2019, entraînant ainsi tout un marché et la chaîne de valeur au complet sur ces mêmes critères de durabilité.
Des guides d'achats responsables
Pour accompagner de manière concrète les entreprises, l'ONG publie également des guides d'achats responsables et met en place des plateformes d'échanges entre acheteurs. Ainsi, le groupe Sodexo travaille depuis plus de 10 ans avec WWF sur les produits de la mer. "On achète beaucoup de poisson et chaque année, WWF nous apporte son support technique pour éditer notre catalogue d'achats. Ce qui nous permet d'exclure de notre catalogue d'achats des espèces qui seraient en danger, protégées ou en voie de disparition. Ainsi, tous les acheteurs de Sodexo dans le monde sont obligés de respecter ce guide d'achat. Cela s'inscrit dans le respect de la biodiversité", souligne François Blanckaert, CPO de Sodexo.
"Un label holistique" chez Max Havelaar
"Le label Fairtrade/ Max Havelaar est un label holistique qui répond à 4 critères essentiels axés autour d'une meilleure rémunération pour les producteurs et travailleurs, de conditions de travail décentes, du respect de l'environnement et de l'autonomie et la gestion démocratique des coopératives de producteurs", détaille Blaise Desbordes, directeur général de l'ONG Max Havelaar France. Si les cahiers des charges sont adaptés aux filières et aux pays, tous reposent sur "un socle commun de critères économiques, sociaux et écologiques garantissant un développement durable", précise le site de l'ONG. "Pour les acheteurs cela répond aux enjeux de compliance et de devoir de vigilance notamment", souligne le DG France. Outre l'apposition du label sur les produits répondant aux critères cités, l'ONG Max Havelaar accompagne les entreprises sur différents axes allant de la redéfinition du sourcing sur certains types d'achats, de l'audit de certains fournisseurs, aux partages de bonnes pratiques auprès des salariés... "Le groupe L'Oréal a ainsi entrepris une démarche sur l'ensemble de ses achats alimentaires de ses cafétérias en France et l'a élargi à sa restauration interne. Il a aussi organisé des conférences-débat et une exposition sur le sujet pour faire de la pédagogie", conclut le DG France.