Les femmes prennent-elles le pouvoir aux achats ?
Publié par Aude Guesnon le | Mis à jour le
Le point de vue de Agnès Moreau, directrice des achats de Bouygues Télécom, Ahlem Hamdi, directrice des achats de Radio France, Emeline Turmeau, responsables achats chez L'Oréal, et Sylvie Gomy, ex-directrice achats de Clarins, lors d'une conférence organisée par les Anciens du MAI et Kedge.
Les femmes prennent-t-elles le pouvoir aux achats ? La question a été posée, lors d'une conférence débat organisée début mai par l'association Alumni des Anciens du MAI et Kedge, à quatre décideurs (pardon... décideuses achats ?): Agnès Moreau, directrice des achats de Bouygues Télécom, Ahlem Hamdi, directrice des achats de Radio France, Emeline Turmeau, responsables achats chez L'Oréal, et Sylvie Gomy, ex-directrice achats de Clarins. Ces dames devaient statuer sur les question suivantes : "L'acheteur de demain est-il une acheteuse ?", "Pourquoi la profession achats se féminise-t-elle ?" et "Qui sont celles qui font la loi dans le monde des achats ?".
Si ce débat, au titre volontiers provocateur n'a pas réellement permis de répondre à ces questions - il est évidemment compliqué d'être juge et partie -, il a assurément eu le mérite d'apporter quelques éléments de réflexion. Et de démontrer que la réalité est aussi affaire de perception personnelle.
Avez-vous le pouvoir?
A la question "Avez-vous le pouvoir", ces dames ont répondu non. "Chez nous, ce sont les opérationnels qui décident. Les achats apportent un support à la décision", a commenté Agnès Moreau. Ahlem Hamdi a d'abord biaisé en interrogeant la salle : "Que ceux qui ont choisi cette fonction pour avoir le pouvoir lèvent la main". Aucune ne s'est levée dans la salle... mais répond-t-on toujours honnêtement à cette question, surtout lorsqu'elle est précédée d'une autre question qui vous valorise bien mieux aux yeux de vos voisins immédiats : "Que ceux-qui ont choisi cette fonction pour la transversalité et le travail d'équipe lèvent la main" : 80% de la salle s'est manifestée. Ahlem Hamdi, qui a précisé que tel furent ses propres motivations, ne considère, quant à elle, pas avoir le pouvoir: "on ne décide jamais seul et une bonne décision est forcément collégiale."
Agnès Moreau conçoit tout de même que pour beaucoup, au sein de leurs sociétés, acheter/posséder un budget, c'est avoir un pouvoir: "Notre action est souvent perçue par nos prescripteurs internes comme une atteinte à leur pouvoir et prérogatives. Pour eux, acheter, c'est avoir le pouvoir. Aussi faut-il convaincre en interne que nous ne sommes pas là pour prendre le pouvoir mais pour interroger le besoin et y répondre", a commenté Agnès Moreau. Point de vue partagé par Sophie Gomy : "Les achats sont dans l'influence... c'est bien plus intéressant".
Emeline Turmeau, qui achète quant à elle des matières premières naturelles, a emmené le sujet sur le terrain de la relation avec les fournisseurs : "Je n'ai pas le pouvoir sur mes fournisseurs, surtout lorsque je suis en mono-sourcing. Là, c'est lui qui a le pouvoir". Fournisseurs qui, s'ils sont de sexe masculin, n'auront pas toujours la même attitude face à un directeur ou à une directrice achats, - et inversement - mais il s'agit bien là de relationnel qui n'a, de l'avis général, "pas d'impact réel sur le business".