Montebourg tente de faire vibrer la corde patriotique des acheteurs
Publié par Emmanuelle Serrano le | Mis à jour le
Dire aux directeurs achats des groupes du CAC 40 que leur rôle est stratégique dans le redressement de l'économie française. Tel était le message que A. Montebourg avec son lyrisme habituel a souhaité faire passer lundi en les réunissant à Bercy.
Une grande majorité des directeurs achats des grands groupes du CAC 40 avaient répondu présents à l'invitation conjointe d'Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif et de Pierre Pelouzet, médiateur national des relations inter-entreprises en se rendant à la réunion organisée à Bercy sur les achats économiquement responsables.
" Nombre d'entre vous faites partie des groupes qui ont signé certains le pacte PME, d'autres la charte de la médiation des relations inter-entreprises, voire sont labellisées Relations fournisseurs responsables. Vous faites tous des efforts pour que les relations entre PME-PMI et vos groupes s'améliorent mais nous avons encore trop souvent des retours d'entreprises signalant des retarde de paiement, des ruptures contractuelles brutales voire des spoliations de propriété intellectuelle ou du racket au CICE", a déclaré en ouverture de la réunion Pierre Pelouzet, médiateur des relations inter-entreprises.
Raisonner TCO dans les appels d'offres
A l'heure où les performances économiques de la France dévissent de façon significative, P. Pelouzet a rappelé que 25 % des faillites d'entreprises étaient liées à des défauts de paiement et a martelé l'importance des articles 5 et 7 de la Charte sur la responsabilité territoriale et la nécessaire prise en compte du TCO qui demeure encore sous-utilisé dans les appels d'offre internationaux. "On demande souvent aux directeurs achats de calculer leurs taux d'achat à l'international, calculer ce même taux mais à l'échelle nationale ne serait pas une vaine exigence non plus" a rappelé celui qui par le passé a été directeur des achats du groupe SNCF. L'outil Colbert 2.0 a d'ailleurs été conçu pour accompagner le mouvement de relocalisation qu'Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif est satisfait de voir progresser. "Le Made in France progresse et des réflexions sont en cours sur la marque France" s'est réjoui le ministre qui a aussi promis une réécriture du Code des marchés publics avec une nouvelle directive incitant les acheteurs publics à écarter les offres anormalement basses.
Même si Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, leur a bien rappelé qu'ils "n'étaient pas là pour se faire engueuler" comme le chantait jadis Boris Vian, il a néanmoins rappelé ce que les grands groupes devaient à l'Etat français. "Que seraient Alstom, Vivendi, Renault ou EADS sans l'Etat français ? ", s'est exclamé le ministre avec le lyrisme qu'on lui connaît avant d'appeler les directeurs achats à contribuer par leurs bonnes pratiques à "transférer l'oxygène" entre les PME-PMI actuelles et les grands groupes pour en faire les ETI dont le tissu économique français a cruellement besoin pour assurer une vraie relance... et une baisse du chômage. "Car on a toujours besoin d'un plus petit que soi", a-t-il souligné. Une chose est sûre chez notre ministre : entre Boris Vian et La Fontaine, sa culture est 100% enracinée dans le terroir français. Plutôt rassurant quand on se fait le chantre du Made in France...
Vivendi 400e signataire de la charte
La matinée aura été aussi l'occasion pour Simon Gillham, sujet de sa Majesté britannique mais maîtrisant néanmoins fort honorablement la langue de Molière, de signer au nom de son groupe, Vivendi, la charte de la médiation des relations inter-entreprises. La communauté de la Charte s'élargit ainsi à son 400e membre. C'est aussi le 28e grand compte à y adhérer. Prochaine étape ? La labellisation peut-être puisque une liste d'actions vertueuses longue comme le bras a été immédiatement déroulée par le menu par Simon Gillham : de Canal+ qui contrôle assidument le taux de dépendance de ces fournisseurs (seuil d'alerte fixé à 20%) à Bravado, société internationale de merchandising, qui a été sélectionnée comme fournisseur officiel des JO de Londres notamment sur des critères de développement durable en passant par la filiale brésilienne GVT (Global Village Telecoms) qui a formé 90% de sa population d'acheteurs aux achats responsables. Puis séance de signature bien sûr.
Pas de bronca parmi les directeurs achats face à ces rappels à l'ordre polis et fermes mais comme la réunion s'est poursuivie ensuite à huis clos sans les représentants de la presse, je ne peux pas vous promettre que des noms d'oiseaux n'aient pas volé au travers de la salle, bien que, par expérience, les directeurs achats aient généralement de bonnes manières en société...
Parler aux directeurs achats c'est bien, mais remonter les bretelles des grands patrons, ce serait mieux, si vous voulez mon avis. Et même si vous n'en voulez pas, je vous le donne.
Car rappelons quand même au ministre du redressement productif que la fonction achats est une fonction certes stratégique mais néanmoins support et qu'elle est à ce titre le bras armé d'une stratégie d'entreprise qui les prend en compte mais qui souvent, en fin de compte, les dépasse aussi. Alors pour aller plus loin, il faut aussi convoquer les directions générales de ces grands groupes car sans capitaines d'industrie convaincus au plus haut niveau qu'une facture à 200 000 euros payée en retard c'est une catastrophe pour une PME qui doit payer son Urssaf, ses loyers et...ses salariés, autant chauffer Bercy en laissant les fenêtres ouvertes ! A bon entendeur salut....