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Fournisseurs étrangers : loin des yeux, loin du compte ?

Publié par Antoine Pietri le - mis à jour à

Si l'achat de produits ou de services auprès de fournisseurs étrangers, notamment dans les pays émergents, peut permettre de réduire les coûts, il faut compter avec des risques accrus?: moins bonne connaissance de la chaîne d'approvisionnement, risques de retard, etc.

La mondialisation s'accompagne d'une pratique de plus en plus courante de l'externalisation et de la délocalisation. Mais ces pratiques ne sont pas sans risques. " Le risque à l'international n'est pas que différent, il est surtout démultiplié, estime Dominique Chabert, responsable offre chez Coface Services. Et tout particulièrement en ce qui concerne le risque fournisseur. " Les délais de négociation avec des entreprises étrangères sont plus longs. Par ailleurs, l'approvisionnement auprès d'un fournisseur étranger peut peser sur le flux de trésorerie en cas de retard de livraison ou de baisse du contrôle de la qualité du fournisseur en exposant l'entreprise à des pénalités importantes. Il peut aussi nuire au fonds de roulement dans le cas de fournisseurs exigeant le paiement à l'avance comme c'est le cas, par exemple, pour certaines sociétés chinoises. De telles pratiques peuvent nécessiter l'engagement de fonds pendant de longues périodes pour ­l'entreprise cliente.

La connaissance du fournisseur et de la chaîne d'approvisionnement complexifiée

Même en Europe occidentale, la récupération des bilans des fournisseurs, nécessaire à l'évaluation de leur santé financière, peut s'avérer ardue. " En Allemagne, les sociétés ne sont soumises à aucune obligation de publication des comptes. Les pays du sud de l'Europe sont également très difficiles à aborder de ce point de vue ", déplore David Brault, fondateur d'Objectif Cash. " Il est parfois ardu de vérifier jusqu'à l'existence légale de l'entreprise et de contrôler les éléments qu'elle fournit ", remarque Olivier Constant, directeur d'Afnor Solutions Achats. Les experts se méfient notamment des pays du Maghreb et d'Europe de l'Est.

Le fait de solliciter des fournisseurs situés hors du périmètre géographique de l'entreprise entraîne, souvent et par surcroît, une (encore plus) mauvaise connaissance de la chaîne d'approvisionnement. " Les sous-traitants étrangers font, à leur tour, appel à d'autres sous-traitants, souvent dans d'autres pays. D'où une extension de la chaîne d'approvisionnement, ce qui rend plus difficile l'identification d'incident dans le cas de la rupture de l'un des maillons de la chaîne ", remarque Loïc Le Dréau, directeur de souscription et clientèle pour l'Europe du Sud pour le groupe de prévention et d'assurance des risques industriels FM Global. Il cite en particulier les zones émergentes d'Asie, d'Europe de l'Est, d'Afrique du Nord ou d'Amérique latine. Des marchés où les responsabilités juridiques sont parfois difficiles à déterminer et où les standards de prévention sont souvent plus faibles que ceux pratiqués en Europe de l'Ouest. Une problématique d'autant plus sensible lorsque les fournisseurs ont accès à des données confidentielles (plans ou moules de produits spécifiques, formules chimiques secrètes...) et où la multiplication des sous-traitants accroît le risque de fuite.

Risques de cataclysmes et d'image

Les sous-traitants situés dans des pays émergents sont exposés à des risques plus importants comme l'instabilité politique ou les fluctuations monétaires. Certaines zones sont également plus régulièrement touchées par les catastrophes naturelles. En 2011, année record en la matière, les dégâts liés aux cataclysmes ont atteint 400 milliards de dollars selon les assureurs. Le tsunami au Japon, les inondations en Thaïlande ou encore les tremblements de terre en Turquie et en Nouvelle-Zélande ont provoqué la disparition de nombreuses entreprises, entraînant des retards et des ruptures en matière d'approvisionnement dans plusieurs filières, notamment dans le secteur automobile.

Les experts mettent, enfin, en garde les entreprises sur un éventuel impact négatif en matière d'image. " Ce que l'entreprise gagne sur le prix en allant sur des marchés émergents, elle peut le perdre sur l'image, en particulier s'il s'agit d'une entreprise de biens de grande consommation, qui sont des sociétés particulièrement exposées à ce type de risque ", avertit David Brault (Objectif Cash). En avril dernier, le drame du Rana Plaza, près de Dacca au Bangladesh, a fait plus de 1 100 morts, et compte parmi les catastrophes industrielles les plus meurtrières de l'Histoire. Dans les décombres de l'immeuble de neuf étages, des étiquettes de marques occidentales sont retrouvées, dont celles du groupe français Camaïeu. " Pour éviter ces incidents, il est possible de faire appel à des sociétés d'audit, mais rien ne remplace le contact. La meilleure solution est de se rendre sur place et d'aller soi-même vérifier les installations ", recommande l'expert.