"La non-récupération de la TVA sur l'essence est un non-sens"
Publié par Sihem Fekih le - mis à jour à
La non-récupération de la TVA sur l'essence pose toujours problème en matière de gestion de flottes automobiles. Pour Philippe Brendel, président de l'Observatoire du véhicule d'entreprise (OVE), il s'agit d'un non-sens économique. Interview.
Si l’entrée en vigueur du nouveau barème de la taxe sur les véhicules, début 2012, doit favoriser la progression des modèles hybrides dans les parcs automobiles des entreprises, la non-récupération de la TVA sur l’essence pose toujours problème. Pour Philippe Brendel, il s’agit même d’un non-sens économique.
Pouvez-vous revenir sur l’origine du régime de droit commun permettant la récupération de la TVA sur les véhicules diesel ?
Le régime de récupération de la TVA sur le diesel remonte aux années soixante. À l’époque, la majorité des véhicules particuliers utilisés par les entreprises étaient considérés – à tort – comme un mode de transport à usage essentiellement personnel donc somptuaire.
Le législateur a décidé de créer un régime dérogatoire, ne permettant pas aux entreprises de récupérer la TVA sur l’achat et les dépenses relatives à un véhicule particulier, y compris l’essence, carburant majoritairement utilisé par ces véhicules à l’époque. Or, les motorisations diesel, réputées pour leur solidité et leur sobriété et encouragées par un prix du diesel à la pompe avantageux, ont gagné progressivement le marché des véhicules particuliers. Si bien qu’en 2011, la part des véhicules diesel représente 72 % des immatriculations totales des VP. Le parc de véhicules de sociétés est quant à lui composé à 96 % de motorisation diesel (VP + VUL).
D’autre part, l’arrivée progressive de véhicules hybrides roulant pour certains au diesel comme la Peugeot 3008 et pour d’autres à l’essence comme la Prius pose la question de la pertinence de cette réglementation. Comment légitimer la récupération de la TVA sur l’énergie utilisée par les premiers et non par les seconds, sachant qu’il s’agit de privilégier les moteurs dits propres ?
Néanmoins cette exonération n’est pas le seul reproche que font les fleet managers. Est-il vrai que la pertinence de l’émission de CO₂ comme critère d’évaluation est également remise en cause ?
Effectivement, les motorisations essence émettent davantage de dioxyde de carbone que les véhicules diesel, toutes proportions gardées. Cela est lié notamment au fait que la consommation des véhicules essence exprimée en nombre de litres aux 100 kilomètres est plus importante que celle des véhicules roulant au gasoil. Toutefois, se contenter de comparer les taux d’émission de CO₂ des deux motorisations pour condamner l’essence est réducteur. D’autres polluants, tels que le monoxyde de carbone, les particules ou les NOx émis par le diesel sont encore plus nocifs et entraînent chaque année le décès de plusieurs milliers de personnes. Notons aussi que les véhicules essence utilisés par les entreprises sont aussi lourdement pénalisés par la taxe sur les véhicules de société assise sur ces taux d’émission de CO2. Enfin, notre consommation de produits pétroliers est très déséquilibrée par rapport à notre production, ce qui fait que nous importons massivement du gazole et exportons notre essence. Pas très écolo tout ça.
Le contexte économique et les restrictions budgétaires risqueraient-ils de compromettre les chances d’une uniformisation de la législation sur ces deux motorisations ?
On a coutume de penser que le passage à 2 euros de litre d’essence va dissuader les gestionnaires de flottes automobiles à accroître la part des VP essence dans leur parc. Compte tenu de leur faible poids dans les flottes, je pense que l’effet d’une telle augmentation serait marginal.
En revanche, selon les estimations réalisées par l’OVE, la répercussion d’un passage du prix du litre d’essence ou de gazole à 2 euros, pèserait 2,5 centimes supplémentaires sur le prix de revient moyen par kilomètre des VP (0,365 euro TTC). Ce qui est excessivement lourd (625 euros par an pour 25 000 km parcourus).
À l’échelle macroéconomique, la récupération de la TVA sur l’essence pèserait très peu dans les comptes de l’État, nous l’estimons à une quinzaine de millions d’euros. Ce faible montant est normal, la part des véhicules essence dans les parcs d’entreprise n’étant que de 4 %. Rappelons que le déséquilibre du régime du bonus-malus a privé les caisses de l’État de 200 millions d’euros environ en 2011.