Mutuelles d'entreprise : nouveau terrain de conquête des achats ?
Publié par Fanny Perrin D'Arloz le | Mis à jour le
Impactées par la Covid-19, les mutuelles d'entreprises représentent une famille de dépenses sur laquelle il convient de s'attarder plus longuement. C'est un terrain à conquérir pour les achats en lien avec les RH avec la volonté d'améliorer les coûts et les couvertures afin de convaincre les collaborateurs.
Depuis peu, les achats investissent progressivement le champ des ressources humaines dans l'entreprise, en collaboration avec la direction RH. "Depuis la survenue du Covid-19 et des conséquence inhérentes sur le tarif des assurances des personnes, c'est encore plus le moment d'être vigilant. En 2022, les majorations "pivot compagnie"* pourraient atteindre 4-5% quel que soit le ratio financier, auquel vient se rajouter une majoration dite "technique" si le ratio financier du régime est déficitaire", résume Anne Le Menach, responsable pôle assurance de personnes au sein de Leyton, cabinet de conseils en gestion des affaires.
Les directeurs achats se mettent à réajuster les contrats en place pour optimiser les coûts et les couvertures associées. "Les achats s'y intéressent plus fréquemment depuis un an, identifiant un potentiel d'optimisation financière. Cela prévaut une montée en compétence sur la technicité et l'évolution du marché des mutuelles" , précise Jeroon Pedurupillai, directeur Axys Consultants. Effectivement, c'est un sujet où la technicité demeure forte et les évolutions réglementaires régulières. "C'est aussi une problématique sociale puisqu'elle concerne les salariés de l'entreprise. Elle doit être maniée avec précaution avec les partenaires sociaux, au risque d'engendrer un certain mécontentement" , met en garde Jeroon Pedurupillai.
Bien questionner les attentes des collaborateurs
En amont, l'on veillera à sonder l'ensemble des collaborateurs pour connaître leurs attentes et leurs besoins en matière de couverture santé. Cela peut être fait au moyen de questionnaires de satisfaction interrogeant notamment sur la gestion du contrat en place, sur ses couvertures et ses services différenciants. Il peut s'agir de les faire réagir sur l'utilisation du portail Internet proposé par le gestionnaire, sur le temps d'attente lors d'un appel, le délai de remboursements des soins, l'accès aux tiers payant, etc. Les services additionnels, inclus dans les mutuelles, se sont étoffés ces dernières années et sont fortement prisés; sans trop lourdement impacter le coût final. "Les réseaux de soins qui permettent de profiter de soins en optique, en dentaire et en audiologie avec des coûts maitrisés et un reste à charge proche de zéro séduisent les collaborateurs, tout comme les garanties d'assistance avec une aide-ménagère après hospitalisation ou l'ostéopathie qui peut contribuer à lutter contre l'apparition des troubles musculosquelettiques (TMS)", détaille Anne Le Menach de Leyton.
En effet, les consultations en naturopathie, en luminothérapie, en réflexologie ou encore en phytothérapie peuvent être prises en charge par certaines mutuelles, sous la forme d'un forfait annuel de plusieurs centaines d'euros. Le shiatsu ou même le magnétisme peuvent l'être également. Pareil, de plus en plus d'acteurs garantissent les séances de psychomotricité ; certaines couvrent 50% des frais, d'autres 10 à 12 séances par an. "Soyez novateur dans les garanties de couverture que vous mettez à disposition de vos collaborateurs , recommande Anne Le Menach. Selon les départements, les localisations et la démographie des sites, l'utilisation et les besoins peuvent être variés, nécessitant l'élaboration de plusieurs formules". La jeune génération pourra ainsi être plus en attente d'une complémentaire santé mettant en avant des remboursements et des forfaits liés à la maternité intéressants, comme une prise en charge des actes de chirurgie liés à la maternité à 500% de la base de remboursement de la sécurité sociale et/ou une prime de naissance élevée (jusqu'à 1000 euros). Selon le public cible, un forfait pour l'achat de médicaments non remboursés par l'Assurance Maladie ou pour un sevrage tabagique pourra aussi convenir. "Ce sont des offres qui sont très appréciées par les salariés, sans que ces dépenses ne viennent copieusement dégrader un régime" , rassure Anne Le Menach.
Des achats éclairés
A défaut d'expertise en interne, il est préférable de s'en remettre à un cabinet de conseil ou à un courtier, avant de s'atteler à la modification des contrats en place. "Les réactions des assureurs, touchés de plein fouet par l'épidémie sanitaire, peuvent être très différentes. Certains affichent une politique extrêmement prudentielle, redoutant un rattrapage des soins non effectués durant les périodes de confinement et de couvre-feu et une défaillance d'entreprises faisant supporter la droit à la portabilité des mutuelles de leurs salariés par l'assureur durant 12 mois, avec une majoration des cotisations. D'autres se montrent nettement plus confiants...", notifie Anne Le Menach.
La maitrise et le suivi de la sinistralité sont des éléments déterminants pour la rédaction du cahier des charges. La compréhension du contexte et des enjeux permet effectivement d'élaborer des contrats adaptés et au juste prix. "Il ne faut pas aller chercher le prix bas mais plutôt celui qui, à l'instant T, permet en parallèle une optimisation tarifaire et une amélioration de la gestion et des services annexes", préconise Anne Le Menach. En cas de dégradation de sa sinistralité, il est possible d'opérer un pilotage fin, en revoyant par exemple à la baisse les niveaux de certaines couvertures pour réduire la majoration. A condition toutefois de l'expliquer au préalable aux usagers. Le fonds social de l'assureur est aussi un critère qu'il faut prendre en considération lors de son processus de sélection. Moyennant la création d'une commission en interne, l'un peut être propre à la société adhérente. "C'est très bien vu dans une entreprise, d'autant que ses effets se cumulent avec le fonds social de l'assureur" , indique Anne Le Menach.
Une veille continue
Dans le même registre, la possibilité d'ouvrir un compte de participation aux bénéfices auprès de son prestataire est à étudier de près. "Cela peut être imposé dans le cahier des charges. Si ce dispositif était moins usité par les assureurs, ils le remanient plus régulièrement depuis 4-5 ans, en cohérence avec le ratio financier du régime" , met en avant Anne Le Menach. Outre de solidifier les liens qui unissent l'entreprise et son assureur, il permet de réguler les fluctuations de la sinistralité, occasionnant l'affectation des excédents dans une réserve dédiée. Une fois constituée, cette dernière peut être utilisée à toute fin, par exemple pour offrir un mois de cotisations à ses collaborateurs, de l'ostéopathie ou de la vaccination sur site, une prévention aux accidents du travail... A noter : cet avantage est plutôt réservé aux sociétés présentant un risque sain.
On l'aura compris, le secteur des assurances aux personnes évolue vite. Il impose une veille continuelle. Il n'est pas non plus utile de lancer trop fréquemment un appel d'offres. "En deçà de deux ans, c'est souvent mal perçu par les assureurs qui risquent de mal tarifer le dossier", illustre Anne Le Menach. Lors de la mise en place du nouveau contrat, sachez que votre partenaire peut vous épauler pour faciliter les démarches auprès des collaborateurs. De votre côté, il est impératif de communiquer sur le sujet, de concert avec les RH, et de mettre fréquemment en lumière les garanties incluses pour les faire connaître. A tour de rôle, elles peuvent faire l'objet d'un article publié dans le magazine interne ou le portail Web. "Dans les grandes entreprises, la protection sociale n'est pas un sujet suffisamment valorisé. Pourtant, les mutuelles peuvent contribuer à retenir et fidéliser des talents" , conclut Anne Le Menach.
*Taux d'indexation fixé par les assureurs, soit l'augmentation minimale que les assureurs appliqueront sur leur portefeuille.