L'avenir de l'acheteur au temps de la robotique
Publié par Lisa Henry le - mis à jour à
Chaque jour, des éditeurs présentent de nouveaux outils censés "robotiser la fonction achats." De l'autre côté, l'humain doit s'adapter rapidement et tirer le meilleur rendement possible de ces technologies, qui ne le remplacent pas pour autant.
La digitalisation et l'arrivée d'outils comme l'IA ou la RPA soulève le débat millénaire : "le robot remplacera-t-il l'humain ?" Pour Lætitia Catrice, directrice des achats de Sephora collection, "la digitalisation doit être vue comme une opportunité, tous les outils doivent être là pour assister nos équipes achats et apporter de la valeur ajoutée."
A l'occasion du webinar "Robot-acheteur ou acheteur augmenté, quel sera l'avenir de l'acheteur ?" organisé par le Salon Solutions e-achats le 14 septembre dernier, trois décideurs achats ont débattu de cette question. Alain Alleaume, directeur associé d'Altaris, estime que l'avancée technologique se fait par vague, et ce depuis près de 40 ans, créant le même questionnement à répétition. "Il faut simplement les maîtriser pour aller à l'essentiel." Rien de nouveau à l'horizon donc, mais un "effet de mode", selon lui. Les entreprises ont toutes créé des directions digitales ces dernières années "nous prenons le sujet à l'envers, avant de se lancer, nous devons découvrir les points où nous pouvons gagner en efficacité. Nous sommes trop pauvres en matière d'aide à la stratégie d'achats."
"L'avenir de la fonction", commente Lætitia Catrice, "c'est de réussir à interpréter les données récupérées par ces outils pour créer la meilleure stratégie." Le remplacement de l'acheteur par l'outil est impossible selon elle, l'une des compétences clés résidant dans la relation fournisseur.
Se libérer de la bureaucratie pour se concentrer sur l'humain
"Aujourd'hui, à peine 5% du temps de travail de l'acheteur est consacré aux visites fournisseurs, aller voir la réalité de l'industrie est pourtant une part très importante de notre travail", note Alain Alleaume. Lequel considère que l'utilité de la digitalisation, et principalement de l'IA, réside dans le fait de gagner du temps sur les tâches bureaucratiques redondantes mais primordiales, afin d'approfondir les tâches relationnelles qui ne peuvent être accomplies que par l'humain.
Florence Baiget, directrice achats de Transdev, estime pour sa part que "rapprocher le robot de l'acheteur est antinomique, les deux doivent être complémentaires afin de se concentrer sur des tâches à valeur ajoutée." Selon elle, il convient d'automatiser des "bouts de processus pour gagner du temps et se concentrer sur le relationnel, l'analyse et la construction."
Mais se concentrer sur certaines tâches afin d'améliorer sa stratégie devient, selon Lætitia Catrice, devient ardu : "Les critères à prendre en compte sont de plus en plus nombreux, la RSE, la géopolitique, la réglementation etc. La véritable valeur ajoutée, est lorsque face à ces données nous parvenons à extraire l'essentiel." L'IA, et les outils technologiques en général, doivent donc "accompagner la mise en oeuvre de ces réglementations pour simplifier la vie de l'acheteur, sinon il peut s'y noyer."
L'acheteur augmenté, une nécessité dans un monde complexe ?
"L'acheteur augmenté est un acheteur qui ouvre ses antennes pour capter l'information", commente Alain Alleaume pour qui la dite information "n'est pas forcément visible dans la data mais se retrouve grâce à des flux RSS des abonnements à des bases de données. Elle est surtout détectable grâce à une grande curiosité de l'acheteur." Il énonce aussi les différentes compétences nécessaires pour faire face à l'évolution du métier : "Nous devons être à la fois community manager, sourcing manager, risk manager, category manager et data annaliste."
L'acheteur augmenté se doit aussi d'être collaboratif, selon Patrick Chabanne (Cyrenac conseil), modérateur du débat, qui soulève la question : "Travaillons-nous assez en amont pour indiquer aux éditeurs ce dont nous avons besoin ?" Pour Alain Alleaume, la réponse est non : "Nous manquons encore d'agilité, nous avons besoin de plus d'informations en temps réel, nous avons aussi encore du mal à répondre à des besoins spécifiques plus génériques, surtout lorsqu'on est à la frontière entre deux métiers."
"Un bon acheteur doit être ouvert à l'autre et évoluer avec les enjeux actuels", assure Lætitia Catrice, qui souligne l'importance de l'adaptabilité de l'acheteur. Florence Baiget, elle, se concentre sur les capacités techniques : "Si la qualité de la donnée n'est pas bonne, la stratégie ne sera pas bonne non plus. Nous devons avoir conscience des limites liées à la data, avoir un esprit critique. Il faut être en capacité d'avoir toujours une longueur d'avance."
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