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Frais de paiement : une opportunité inexploitée pour les achats

Publié par Philippe Roy le - mis à jour à

Dans la course à l'optimisation des coûts, subsiste un domaine qui reste un angle mort dans la stratégie des achats : les frais de paiement.

Ces frais, liés à l'acceptation des cartes de paiement proposées par les institutions financières, sociétés de paiement, acquéreurs ou autres prestataires, représentent souvent une dépense significative pour les entreprises. Les hôtels, les distributeurs, les commerçants (grands ou petits), les chaînes de restauration et autres e-commerçants sont ainsi impactés par ces fameux taux de commissions, vecteur inévitable de l'érosion de leurs marges.

La négociation de ces contrats de paiement est parfois gérée par les directions financières et les responsables de la trésorerie. Elle atterrit parfois sur le bureau de responsables monétiques ou informatiques qui, médusés, ne savent pas vraiment comment s'y prendre. Mais elle n'est que trop rarement la responsabilité des acheteurs professionnels, laissant ainsi le champ libre à des fournisseurs dominants.

Mais si les achats s'emparaient de ce sujet, ils pourraient transformer cette situation, générer des économies et reprendre le contrôle d'une relation profondément déséquilibrée.

Pourquoi les frais de paiement échappent-ils encore aux achats ?

Dans la plupart des entreprises, le paiement est perçu comme un service technique (c'est le cas !) ou financier. Il relève du domaine de la trésorerie ou de la monétique, avec pour unique objectif de garantir des transactions fluides et conformes. Par ailleurs, ce secteur d'activité est d'une très grande complexité et n'a rien d'intuitif. Il ne suffit pas de s'y intéresser pour en comprendre le fonctionnement. Tout cela pour dire que le manque d'implication des départements achats dans cette activité est souvent justifié et est lié à une série de contraintes réelles.

Ce secteur d'activité souffre tout d'abord d'un manque cruel d'informations et de transparence. Les modèles tarifaires des prestataires de paiement sont complexes voire opaques. Ce manque de clarté est d'ailleurs à l'origine des récentes plaintes de coalitions de commerçants et associations professionnelles auprès de la Commission Européenne.

Par ailleurs, les acheteurs n'ont en général pas, à ce jour, les compétences sectorielles pour challenger efficacement ces frais. En fait il est même injuste et peu raisonnable de demander à des acheteurs de se lancer, seuls, dans une tentative d'optimisation des frais de paiement si ces derniers ne sont pas suffisamment équipés pour y parvenir.

Il faut également se rendre à l'évidence et accepter la réalité du rapport de force client / fournisseur : Parce qu'il est aujourd'hui difficile pour un commerçant de se passer des paiements par carte et parce que ce secteur est résolument oligopolistique, la négociation de ces contrats est une négociation du type David contre Goliath.

Enfin, il existe une perception erronée de la réalité, très largement entretenue et nourrie par certains acteurs du paiement qui consiste à faire croire que ces coûts sont non négociables. Ce qui est bien entendu une légende urbaine.

Comment les acheteurs peuvent-ils s'emparer du sujet ?

Les départements achats ont pourtant la possibilité de devenir des acteurs clés dans l'optimisation des frais de paiement. Pour ce faire, les acheteurs peuvent suivre une feuille de route structurée :

La première chose à faire est d'établir un partenariat avec un expert externe. Il est en effet indispensable de collaborer avec un spécialiste des frais de paiement et de la négociation de ces contrats. Cela permettra non seulement de combler les lacunes techniques mais également de gagner en crédibilité face aux prestataires. Ces experts peuvent auditer les contrats existants, diagnostiquer les anomalies et identifier des économies potentielles. Ce partenariat est en outre le meilleur moyen pour des acheteurs de développer leurs compétences internes et se former progressivement à la complexité des structures tarifaires de cette industrie.

Il est ensuite nécessaire de procéder à une analyse des données de paiement. Il faut tenter de cartographier les volumes et les coûts pour chaque marché, chaque type de paiement, dénicher d'éventuels coûts cachés afin de déterminer le coût réel et total d'acceptation des moyens de paiement, et son impact sur la profitabilité. Si votre PDG vous demande quelle est la part totale des frais de paiement dans le coût de distribution, il faut pouvoir lui répondre en étant certain de ce qu'on avance.

Au-delà des conditions commerciales, les acheteurs doivent prendre le lead afin de négocier des contrats plus équitables : Obtenir une totale transparence des frais (cette question de la transparence est souvent un irritant pour les commerçants) et redonner le pouvoir aux commerçants dans leur relation client fournisseur.

Enfin il faut surtout ne pas attendre la date de renouvellement de son contrat. Ces négociations sont longues, complexes, fastidieuses et parfois laborieuses. Commencer le travail d'analyse et le développement d'une stratégie de négociation très en amont peut s'avérer être un avantage déterminant pour la suite.

Les acheteurs, catalyseurs d'une nouvelle dynamique

Dans un contexte où chaque dépense compte, les frais de paiement ne devraient plus être perçus comme un coût incompressible. Des économies substantielles sont à portée de main si on s'en donne la peine. Avec des frais qui peuvent atteindre plusieurs millions d'euros pour certaines grandes entreprises, les marges de négociation sont réelles. En s'associant à des experts et en développant leurs compétences, les acheteurs peuvent transformer un poste souvent négligé en un levier d'économie.

Par ailleurs, l'optimisation des frais de paiement n'est pas seulement une opportunité financière, c'est aussi une façon pour les achats de renforcer leur impact dans l'entreprise.

A propos de l'auteur : Philippe Roy est fondateur de Red Yucca


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