Les vêtements professionnels : un achat pas si classique
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Une personne active sur trois porte un uniforme ou un vêtement de travail. Cela représente un budget achat non négligeable pour les entreprises. Et si ce type d'achat semble classique, il n'en demeure pas moins à risques avec une vraie problématique liée à la fin de vie du vêtement.
Près de 8 millions de français portent un uniforme ou un vêtement de travail. Traduit en budget achat, cela peut peser lourd dans certaines entreprises. Et si ce type d'achat paraît classique, il n'en demeure pas moins un achat qui comporte de nombreux risques fournisseurs.
Location-entretien ou achat
Quand on parle de vêtements professionnels, on distingue les vêtements dits techniques (relatifs à l'hygiène), les vêtements d'image d'entreprise et enfin les EPI (pour équipement de protection individuelle). En fonction de la typologie des vêtements, les acheteurs se tournent soit vers la location - entretien auprès d'entreprises comme Initial, soit vers les fabricants ou distributeurs généralistes pour les uniformes liés à l'image de l'entreprise. C'est le cas de la compagnie Air France qui commande chaque année plus de 300 000 pièces auprès de Cepovett et lui a confié un contrat pour une période de cinq ans (2017-2021). "Les fabricants peuvent proposer le stockage des vêtements, ce qui peut s'avérer plus facile pour la gestion des stocks et l'approvisionnement", explique Delphine Gilet, directrice achats responsables au sein du cabinet de conseils Epsa.
Enfin, le Code du Travail oblige l'employeur à prendre en charge le nettoyage des tenues professionnelles dont il impose le port à ses collaborateurs. Si la blanchisserie est souvent comprise dans la location- entretien, certaines entreprises peuvent proposer des bons de nettoyage à leurs salariés ou plus simplement le remboursement des frais d'entretien. Des sociétés comme Edenred proposent une solution clé en main de pressing. Baptisée CleanWay, cette offre permet de doter ses collaborateurs d'une carte prépayée et d'éviter ainsi la lourdeur du traitement des notes de frais. Le salarié peut alors se rendre près de chez lui dans un des 1300 pressings partenaires.
Traçabilité de la chaîne d'approvisionnement
De l'achat au pressing, tout doit être scrupuleusement regardé par l'acheteur. Il en est de même concernant la gestion des risques fournisseurs, comme le souligne Delphine Gilet d'Epsa. "Il y a les mêmes points de vigilance à respecter que pour les vêtements dits classiques. C'est une chaîne d'approvisionnement très longue avec des risques à chaque étape. Cela va du choix de la matière première, à la transformation de la fibre en fil (avec une enduction des fils de graisse pouvant être toxiques) jusqu'à l'ennoblissement du tissu (blanchiment, teinture, imperméabilisation...) pouvant utiliser jusqu'à 4000 intrants chimiques et beaucoup d'eau. Enfin, on trouve en bout de chaîne la confection avec les risques connus des atteintes au droit humain du travail forcé, du travail des enfants, etc."
"La visibilité de la supply chain doit se faire sur des informations factuelles et non seulement sur du déclaratif, explique Olivier Balas, vice-président de l'Union des Industries textiles (UIT) en charge des marchés publics. "C'est pourquoi, nous travaillons au niveau européen sur la mise en place d'une étiquette de traçabilité pour le textile. Ce projet baptisé ETIC, (European textile identity card) fera figurer sous forme de pictogrammes les 4 étapes de fabrication du vêtement avec l'origine des pays où chaque étape est réalisée. "L'idée est qu'au moins 2 opérations sur 4 soient réalisées en Europe".
A chaque étape de cette fabrication, l'acheteur est là pour " challenger son fournisseur ". "L'acheteur a la responsabilité de remonter toute la chaîne de valeur, afin de connaitre les fournisseurs de ses fournisseurs, en allant jusqu'aux conditions d'extractions de la matière", insiste Delphine Gilet. Pour cela, il peut s'appuyer sur des labels comme Standard 100 by Oeko-Tex® qui permet d'identifier les substances chimiques utilisés dans les étapes de la transformation. Il convient aussi de regarder si le fournisseur est labellisé par exemple par la Fair Wear Foundation qui garantit des conditions de travail décentes dans le secteur du textile. "On peut aussi évidemment tenter de recourir à des alternatives comme le lin et le chanvre qui sont cultivés en France plutôt que le coton qui est une culture très à risque, très consommatrice d'eau avec peu de traçabilité ou privilégier le coton issu de l'agriculture biologique", conclut la directrice achats responsables d'Epsa.
Focus - Naissance d'une filière de recyclage pour les vêtements professionnels
L'acheteur doit penser TCO et cycle de vie du produit. De rares entreprises proposent ainsi de gérer la fin de vie du vêtement, comme Bilum, Diapason, Vimethic ou Objectif 2e vie. Cependant, pour certains vêtements personnalisés d'entreprises bien connues afin d'éviter leur utilisation à des fins illicites, ces dernières sont obligées de les incinérer. C'est notamment le cas de la SNCF. Face à ce constat, une initiative baptisée "Frivep" à été lancée en 2016 sous la tutelle des ministères de l'Ecologie et des Finances rassemblant donneurs d'ordre (SNCF, La Poste, la Ville de Paris, GRDF, ESF, l'ONF, les ministères de l'Intérieur et des Armées), industriels, et partenaires techniques et financiers. L'objectif était d'étudier la faisabilité de la mise en oeuvre d'une filière nationale de réemploi et de recyclage de vêtements professionnels dont le gisement annuel est estimé à quelques milliers de tonnes.