[Billet d'humour] Mai : amis acheteurs, fêtons le muguet (en hausse) !
Publié par Firmin de Montalembert le | Mis à jour le
Les fournisseurs nous l'ont souvent crié à la face : non, je ne suis pas qu'un point sur une matrice de Kraljic ! Non, je ne suis pas qu'un nom dans la case d'un fichier Excel de plan d'action achats.
C'est historique : les mois de mai sont toujours propices à des actions révolutionnaires ! Et Firmin en tient pour preuve la réunion des Etats Généraux le 5 mai 1789 à Versailles. A noter quand même : le courrier ayant du mal à arriver à l'époque, les convocations se firent le 8 août de l'année précédente, pour une réunion le 5 mai.
Ah ça c'est sûr qu'on n'avait pas encore internet et Twitter à l'époque... Imaginez que nous autres, pauvres acheteurs que nous sommes, nous devions encore envoyer des plis par chevaux aux fournisseurs, plusieurs mois à l'avance, pour leur demander s'ils peuvent se rendre disponibles pour nos formidables réunions. C'est sûr qu'on n'a pas été habitués à ça !
Et, en plus à l'époque, une fois les invitations reçues, certains « fournisseurs » ne se privaient pas de critiquer ouvertement en attendant la réunion ! En janvier 1789, Sieyès (qui finira parmi les 3 consuls de la République, avec Bonaparte) publie son plus fameux pamphlet « Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?». Et ça commence très fort : «1º Qu'est-ce que le Tiers-État ? Tout. 2º Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre (politique) ? Rien. 3º Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »
Alors, DJ Firmin vous offre cette version remasterisée, valable maintenant pour les relations acheteurs-fournisseurs : ««1º Qu'est-ce que les fournisseurs ? Tout. 2º Qu'ont-t-ils été jusqu'à présent dans les entreprises ? Rien. 3º Que demandent-t-ils ? À y devenir quelque chose. »
Eh oui, les fournisseurs nous l'ont souvent crié à la face : non, je ne suis pas qu'un point sur une matrice de Kraljic ! Non, je ne suis pas qu'un nom dans la case d'un fichier Excel de plan d'action achats. Oui j'augmente bien mes prix de vente initiaux pour vous faire ensuite de fausses formules de productivité : « mais je ne suis pas un animal (de cirque)! » (citation librement inspirée d' « Elephant Man »).
Et maintenant que les matières premières sont en crise, que les capacités de production sont limitées et que les prix augmentent, c'est la revanche bien forcée d'Elephant Man.
A leur corps défendant, nos fournisseurs n'ont pas trop le choix : sur un an, dixit la Banque de France, les défaillances d'entreprises ont augmenté de 6,3%. Alors le pauvre Elephant Man, il est quand même bien obligé de faire quelque chose pour la survie de sa trompe!
Le cuivre, valeur la plus « tradée » du London Metal Exchange, et même s'il est en backwardation (excusez les anglicismes), tangente tranquillement les 10,000 dollars à la tonne. Pour le nickel, et s'il est lui plutôt en contango (vocabulaire de traders - dans « contango », il y a « c... » et « tango ») peut repartir à tout moment à la hausse. Pour le blé : on n'en a plus, on fait les fonds de poche. L'aluminium : n'y pensez pas, mon bon monsieur, sauf à prendre un billet de train pour aller l'extraire au goulag.
Pour le prix de l'énergie, on rit jaune : l'Allemagne a décidé le 10 mai de revenir sur sa parole et de ne plus considérer l'électricité nucléaire comme « verte » au regard du projet de taxonomie Européenne. Débrouillez vous avec le gaz russe, les gars !
Quasiment le même jour, l'Espagne et le Portugal (qui avaient bien senti le vent venir) ont obtenu une dérogation pour pouvoir enfin fixer eux-mêmes le prix du gaz plutôt que de s'en tenir au règlement de l'Union Européenne : et hop, 30% de baisse de prix dans la popoche, ni vu ni connu j't'embrouille ! Tout cela sent la Grande Coordination Européenne à plein nez !
Bon ben forcément, nos pauvres fournisseurs n'ont pas trop le choix : il va bien falloir que quelqu'un paie pour tout cela. Dans le BTP (où il n'y a rien que de gros feignants qui montent des murs de parpaings sous le soleil en buvant du rosé, comme chacun sait), la Capeb (Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment) fait rien que de se plaindre.
Les majors du BTP, autrefois si prompts à dégainer avec un sourire matois leur politique de RSE fournisseurs, se sentent sans doute un peu mal à l'aise, et évitent le sujet... Ça sent le cercueil. Ami acheteur du BTP, prends ton mal en patience, ce n'est qu'un mauvais moment à passer.
Heureusement, « l'humain est au coeur des achats » ! C'est même le CNA qui nous le dit pour ses prochaines Universités en juin. Alors, forcément, on se sent mieux et on respire. Aaah... ça fait du bien, un grand et long soupir en buvant un verre de rosé devant un mur de parpaings...