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Quand l'achat est guidé par la performance clinique et le confort du patient

Publié par Fanny Perrin d'Arloz le - mis à jour à

L'Union des Hôpitaux pour les achats (UniHa) et les Hospices Civils de Lyon se démarquent avec une contractualisation innovante, concourant à la prévention de l'hypothermie péri-opératoire. Cette approche nécessite du temps et un engouement partagé mais promet des avancées notables...


Durant leur parcours de soins en chirurgie, les patients doivent conserver une température corporelle dite normotherme, c'est-à-dire supérieure à 36°C. Malgré un protocole de réchauffement mis en place dans les blocs opératoires, 60% perdraient au moins 1,5 degré à la suite de leur anesthésie, selon la Société française d'anesthésie et de réanimation. "Bien que nombreuses, les solutions techniques proposées par le marché témoignent de résultats que nous avons cherché à optimiser", révèle Anthony Mauro, acheteur au sein de l'Union des Hôpitaux pour les achats (UniHa). Pour rappel, en cas d'hypothermie, les conséquences cliniques peuvent être potentiellement graves : perturbations de l'hémostase, risques accrus d'ischémie, augmentation du risque d'infection ou réveil retardé.

Pour améliorer la prévention et minimiser l'inconfort du patient, UniHa, le premier réseau coopératif d'achats groupés des établissements publics français, et les Hospices Civils de Lyon (HCL) revoyaient début 2018 leur logique de passation de contrats, misant sur une approche innovante. Elle se voulait intégrer la fourniture des matériels et des consommables mais aussi des prestations de services associées (l'audit et l'optimisation des pratiques, l'amélioration de la prise en charge des patients et de la qualité des soins, la formation du personnel, le suivi et l'accompagnement au changement).

Valérie Mermet

"Les établissements hospitaliers lancent généralement des appels d'offres pour l'acquisition de matériels dans le domaine du réchauffement patient ou du monitorage de la température. Sur cette procédure, nous ne voulions pas acquérir de produits en ligne à ligne mais une solution globale", indique Valérie Mermet, pharmacien responsable du département achats biomédicaux et associés aux HCL.

Pour parfaire leur démarche, l'UniHa et les HCL se sont inspirés des méthodes de Medtech Europe, notamment celle du Best Value Procurement qui promeut une approche d'achats axée sur la valeur. "Face à ce processus d'achats novateur, il a fallu innover et challenger les fournisseurs. Nous avons mis en place un dialogue compétitif entre une équipe pluridisciplinaire, composée d'acheteurs de l'UniHa, d'ingénieurs biomédicaux, de pharmaciens, de médecins et de soignants, et quatre fournisseurs présélectionnés sur leurs compétences techniques et financières, afin de coconstruire la démarche d'achats", détaille Anthony Mauro. Notifié en juin 2019 avec, pour premier bénéficiaire le bloc opératoire d'orthopédie du Groupement Hospitalier Sud (GHS) des HCL à l'initiative de la réflexion initiale, le marché était remporté par 3M.

Amélioration continue et collective

L'intégration de l'équipe médicale depuis la phase préparatoire à la mise en oeuvre de la solution globale constitue l'une des forces de cette approche. "D'habitude, les services médicaux attribuent des notes techniques aux différents matériels qu'ils testent. Pour cet achat, nous ne leur avons pas demandé d'établir un classement mais s'ils se voyaient travailler avec pareil dispositif", commente Sami Yani, pharmacien praticien hospitalier au CHU Bordeaux et coordinateur UniHa.

Au final, les entrevues concertées ont permis d'identifier une solution idoine adaptée au contexte et à l'organisation du bloc orthopédique. "Le titulaire 3M est force de propositions pour le dimensionnement du parc, les protocoles de prise en charge selon le type de chirurgie et des services de provenance, la définition du planning de suivi... Ces préconisations sont ajustées et co-validées avec les équipes soignantes", précise Sami Yani. Autre particularité de cet accord cadre mono attributaire : il est assorti d'une obligation de résultat ; 3M se devant d'atteindre un taux de patients normothermes en sortie de bloc de 80%.

Si la performance médicale souhaitée n'est pas atteinte, la rémunération est adaptée selon le barème établi contractuellement et des actions correctives aussitôt définies. Des points hebdomadaires sont assurés par le comité de pilotage, intégrant l'ensemble des parties prenantes du dossier, pour veiller à l'ancrage des nouvelles pratiques de gestion de la normothermie du patient depuis le bloc orthopédique. "C'est un dossier chronophage qui doit être mené par une équipe convaincue du bien-fondé de la démarche. En contrepartie, il confère une réelle valeur ajoutée en matière de prise en charge", avertit Bertrand Lepage, responsable de la filière ingénierie biomédicale à l'UniHa.

Démultiplication

Commencé en septembre 2019, le déploiement de la solution globale depuis le bloc orthopédique du GHS a quelque peu été retardé par l'épidémie de Covid-19. "Les pratiques ont été auditées puis analysées par le titulaire", informe Valérie Mermet. Malgré ce contretemps, les résultats sont prometteurs.

Anthony Mauro

En termes d'achats, "nous serons à iso-coûts, tout en limitant les effets indésirables et les dépenses associées. Une fois les premiers résultats enregistrés, nous pourrons déterminer les gains financiers issus de l'amélioration effective de la prise en charge de notre patientèle", estime Anthony Mauro.

À terme, cet exemple pourrait être démultiplié au sein du GHS. Il devrait également convaincre d'autres établissements hospitaliers adhérents UniHa de s'inscrire dans pareille dynamique. D'ailleurs, le CHU de Saint-Étienne a signé un accord cadre mono attributaire pour tous ses blocs chirurgicaux. La mise en oeuvre prendra du temps puisque la solution est fonction de l'agencement et des pratiques actuelles de chacun des blocs opératoires. "Nous avons revisité cet achat en se concentrant sur le bénéfice clinique, fil conducteur du dispositif de contractualisation. Il n'est ainsi plus un achat simple sur lequel les équipes ne veulent pas consacrer trop de temps mais un achat gouverné par des objectifs cliniques participant à l'optimisation de la prévention et du traitement de l'hypothermie péri-opératoire", se réjouit Bertrand Lepage. Une fois les résultats scientifiquement documentés, nul ne doute que cette stratégie va susciter bien d'autres émules...

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