La commande publique au service de la relance économique
Publié par Luc Perin le - mis à jour à
Depuis le début de la crise sanitaire de la Covid-19, les acheteurs publics contribuent fortement à la relance de l'activité économique : application des nouvelles dispositions légales, pratiques d'achat favorables aux entreprises, nouveaux investissements...
Faciliter l'accès des PME et des TPE aux marchés publics. Pour mettre ce credo en pratique, les acheteurs publics s'appuient notamment sur de nouveaux seuils de dispense de procédure. Ainsi, dès le 1er janvier 2020, Bercy a relevé le seuil de 25 000 à 40 000 euros HT pour tout type d'achat. Pour les marchés publics de travaux conclus avant le 31 décembre 2022, la loi ASAP du 7 décembre 2020 l'a fixé temporairement à 100 000 euros. "C'est une mesure de relance qui s'insère dans un mouvement de fond, d'assouplissement progressif, commente maître Tanguy Mocaer, avocat associé au Cabinet Coudray. Elle s'ajoute à une disposition en vigueur jusqu'au 24 décembre 2021 : la dispense de procédure pour les marchés innovants jusqu'à 100 000 euros."
Des avances plus simples et plus avantageuses
Le versement d'avances est également un puissant levier pour soutenir les entreprises : il les aide à faire face aux dépenses liées aux marchés publics. En complément des avances minimales obligatoires, un décret du 15 octobre 2020 a simplifié les conditions de versement d'avances plus élevées. À présent, il n'existe plus de plafond au montant de l'avance. Par ailleurs, il n'est plus obligatoire de demander une garantie financière pour bénéficier d'une avance d'un montant supérieur à 30% du montant du marché.
"La loi ASAP comprend également des dispositions concernant les entreprises en redressement judiciaire, ajoute maître Mocaer. Il est désormais interdit de résilier un marché pour ce motif. On ne peut préjuger que ces entreprises seront en liquidation judiciaire." Notons enfin que le décret d'application du 30 mars 2021 stipule que tous les marchés globaux - c'est-à-dire sans allotissement - doivent réserver à des PME ou à des artisans une part minimale de 10% de leur exécution. "L'impact économique de cette disposition n'est pas mineur pour les PME du BTP, estime maître Mocaer. Car le marché global de performance se développe beaucoup."
Des acheteurs publics mobilisés
Au-delà des dispositions juridiques, de nombreux acheteurs publics ont adapté leurs pratiques d'achat pour mieux soutenir les entreprises pendant la crise sanitaire.
"Les collectivités qui le pouvaient ont fait en sorte de régler le plus rapidement possible leurs opérateurs économiques, pour les aider en termes de trésorerie, témoigne Alain Bénard, président de l'Association des acheteurs publics. Dans le domaine culturel, d'autres ont maintenu des contrats de prestation de services, en reportant des spectacles annulés." A l'occasion de la crise, de nombreuses communes ont également augmenté leurs achats auprès de producteurs locaux, notamment pour la fourniture de denrées alimentaires pour les écoles.
"Nous avons maintenu nos chantiers chaque fois que cela était possible, dans le respect des règles sanitaires, témoigne en outre Marc Sauvage, directeur général adjoint des services de la Région Ile-de-France. Des avenants pour allonger les délais d'exécution ont été signés et des pénalités de retard, directement liées à la Covid-19, annulées. Nous avons également ouvert la possibilité d'avenants pour prendre en compte la hausse du prix des matières premières et du transport, pour la fourniture du mobilier par exemple."
Au coeur de la Bretagne, Pontivy Communauté s'est également mobilisée pour faire face à la crise du printemps 2020. "Le mot d'ordre général était de continuer toutes les études en cours, en lien avec les bureaux d'études, se souvient Laetitia Brohan, responsable du service marchés publics de la communauté de communes. Nous avons continué à lancer des marchés en allongeant le délai de réponse de trois à cinq semaines. Le but était donner des perspectives aux entreprises en vue du déconfinement, pour préparer la reprise." Pendant le confinement, certains chantiers ont été arrêtés mais l'activité a rapidement repris. Des marchés de prestation de services ont également été suspendus : la déchèterie, le complexe aquatique, le conservatoire de musique, la crèche... "Mais la collectivité a continué à payer ses fournisseurs - au moins en partie - pour les soutenir", précise Laetitia Brohan.
"Le changement de mandature, le renouvellement des élus à l'occasion des municipales 2020, a entraîné un creux dans la commande publique", souligne cependant Alain Bénard. En effet, d'après le baromètre de la commande publique AdCF & Banque des Territoires, la commande publique a baissé de 18% en 2020 par rapport à 2019, avec un montant total de 71 milliards d'euros. La baisse a été de 24% pour les collectivités et de 31% pour les communes. Néanmoins, au premier trimestre 2021, la commande publique s'est située à près de 21 milliards d'euros, soit presque au niveau du premier trimestre 2019. Les travaux neufs, et plus encore les travaux de rénovation, sont moteurs dans cette reprise, avec un volume d'achats de 7,37 milliards d'euros au premier trimestre 2021. Un chiffre à comparer aux 4,93 milliards d'euros au premier trimestre 2020 et aux 7,08 milliards d'euros du premier trimestre 2019.
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