"Il faut reconfigurer les chaînes d'approvisionnement qui sont trop étendues" - Yann de Feraudy (France Supply Chain)
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Pandémie mondiale, guerre en Ukraine, tensions sur les approvisionnements; ... l'actualité de ces dernières années a mis à mal le secteur de la supplychain et l'a poussé à se réinventer. Explications Yann de Feraudy, directeur de l'association France Supply Chain.
Quels sont les défis les plus importants pour la supplychain au vu du contexte actuel ?
La priorité numéro 1 est la sécurité des collaborateurs et des parties prenantes en général (salariés, clients et fournisseurs). Ce fut très prégnant pendant la crise du Covid et aujourd'hui encore avec le contexte de la guerre en Ukraine. Il y a par exemple un prestataire logistique spécialisé dans les produits alimentaires et qui est situé à 30 kms de la ligne de front. Ensuite, il y a le volet économique. Durant la crise Covid, l'essentiel était d'aider certains fournisseurs ou partenaires à ne pas mettre la clef sous la porte. Cela peut passer par le fait de payer en avance certaines commandes ou d'accep-ter de soutenir certains prix pour assurer un revenu au vendeur . Il faut préserver l'ensemble de l'écosystème ! Le 2e sujet est celui de la sécurité des approvisionnements. Comment trouver des sources alternatives au regard des pénuries futures dans l'agro-alimentaire par exemple avec l'Ukraine qui est un des premiers producteurs de blé. Un autre sujet très important est celui de la résilience de la supply-chain. Il faut reconfigurer les chaînes d'approvisionnement, les raccourcir car elles sont trop étendues. Cela pose des questions à moyen- long terme sur la réindustrialisation de l'Europe et de la France lié à l'enjeu de ré-acquérir des savoirs-faire.
Quels sont les nouvelles méthodes de travail et/ou actions mises en oeuvre ?
Désormais, le supply network design permet de réfléchir au positionnement des points de transfor-mation, d'approvisionnement et de stockage des produits. Il existe aussi des outils technologiques plus ou moins sophistiqués qui se développent comme les jumeaux numériques qui permettent grâce à des algorithmes de simuler des scénarii sur les points de sourcing et d'approvisionnement. Mais la vraie difficulté est celle de la maîtrise globale des sous-traitants. C'est un processus long à mettre en place. Il faut réussir à identifier l'élément critique qui n'est pas forcément le fournisseur de rang 1 mais celui de rang 2, 3 ou 4. Il faudrait modéliser des outils encore plus puissants. En pa-rallèle, des outils permettent de calculer les rejets de C02 et d'optimiser les critères environnemen-taux des transports. A moyen terme, les camions à hydrogène et les sites logistique à énergie posi-tive viendront appuyer cette démarche globale de verdissement.
Enfin, comment les directions achats travaillent-elles de concert avec les acteurs de la supply chain dans ces périodes de tension ?
Les achats et la supply chain sont des métiers interdépendants et connectés. Au-delà du respect mu-tuel de leurs contraintes respectives, ils doivent avoir une réelle connaissance réciproque et une bonne exécution. Ainsi, quand il y a une tension sur les approvisionnements, il s'agit de dupliquer les sources d'approvisionnement et introduire de nouveaux fournisseurs et inversement, quand il faut changer de fournisseur pour différentes raisons il y a toute une nouvelle chaine d'approvision-nements à mettre en place. Mais au final, ces deux métiers ont été mis en lumière avec les différentes crises (Covid et guerre d'Ukraine) et sont au coeur de la stratégie de l'entreprise.