[Tribune juridique] "C'est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et établit les vrais rapports entre elles"*
Publié par Arnaud Salomon le | Mis à jour le
La Cour des comptes européenne a récemment publié un rapport spécial (1) qui met en lumière et analyse le recul de la concurrence dans les marchés publics passés par les membres de l'Union européenne.
La Cour des comptes européenne a récemment publié un rapport spécial (1) qui met en lumière et analyse le recul de la concurrence dans les marchés publics passés par les membres de l'Union européenne.
Un constat sévère
Un nombre moyen de soumissionnaires en chute libre et un faible accès de PME
En 10 ans, le nombre moyen de soumissionnaires par procédure a diminué de 44% (5,7 à 3,2) et le taux de procédures avec un unique soumissionnaire a augmenté de 78% (23,5% à 41,8%)
La CCE explique ce recul du niveau de concurrence par un recours croissant aux attributions directes (« gré à gré »), à une concentration des acteurs sur certains marchés mais aussi à des procédures peu efficientes, notamment en ce qui concerne les critères d'attribution et les exigences techniques imposées.
Une inflation des délais de procédures
La durée moyenne de décision (délai entre la DLRO et l'attribution, pour les procédures ouvertes) a augmenté de 55% en 10 ans (62 jours à 96 jours). Le recours croissant à la négociation ne peut expliquer à lui seul cette inflation. La CCE, qui a interrogé 400 interlocuteurs au sein des autorités chargées des marchés publics dans l'EU-27, pointe l'accroissement de la charge administrative attachée aux procédures de marchés publics. La CCE déplore que le choc de simplification, qui aurait pu améliorer l'attractivité des marchés publics, ne soit pas au rendez-vous. Elle « profite » de ce constat pour critiquer la lenteur du chantier de transition numérique conduit par l'UE, lenteur exprimée par le faible taux d'usage du document unique de marché européen (DUME) et des formulaires électroniques.
La France se distingue ...
Selon le critère d'analyse, la France tient la tête de peloton ou tutoie la voiture-balai. Ainsi, sur 30 pays étudiés (les 27, l'Islande, la Norvège et le Royaume Uni), la France occupe les premières places en matière de part des marchés attribués au « mieux-disant » (1ère) ou d'allotissement (3ème) mais elle occupe aussi la dernière place en matière d'échanges transfrontaliers ou une peu glorieuse 25ème place en matière d'accès des PME (taux de PME contractantes).
La CCE souligne, à plusieurs reprises, l'importance de disposer de données statistiques de qualité pour piloter efficacement les politiques publiques en matière d'achat public. Certainement les efforts de la France, pour collecter et valoriser les données essentielles de la commande publique, seront-ils loués par la CCE.
* Montesquieu, De l'esprit des lois
(1) https://www.eca.europa.eu/fr/publications/SR-2023-28
A propos de l'auteur: Arnaud Salomon est directeur associé du cabinet de conseil CKS. Il est l'auteur de plusieurs rapports sur la commande publique en collaboration avec la Banque mondiale, le Conseil d'analyse économique ou encore l'Institut Thomas More.