Quelles sont les pratiques discutées des acheteurs de la grande distribution ?
Publié par Olivier Wajnsztok le | Mis à jour le
Faire payer au fournisseur l'essentiel de ses propres coûts. Négocier avec les fournisseurs selon le registre : « on n'est d'accord sur rien, si on n'est pas d'accord sur tout. ». Favoriser le lien de dépendance pour mieux maîtriser le fournisseur. Est-ce bien les pratiques des acheteurs de la grande distribution ?
Le Livre Carrefour, la grande arnaque de Jérôme Coulombel est à charge contre les acheteurs de la grande distribution. Il pointe les relations entre certains acheteurs de la grande distribution et leurs fournisseurs reposant sur des pratiques de « cost killing », la « facturation et/ou surfacturation » des prestations de service subjectives voire dépourvues de cause, l'imposition de remises complémentaires insidieuses, le délit de marchandage, les menaces et /ou les rétorsions. Est-ce vrai ? Que faut-il en penser ?
L'imposition aux fournisseurs de prestations de services aux coûts « asphyxiants »
La part de marché de certains acteurs de la grande distribution est un levier de négociation. Le fournisseur y voit d'énormes possibilités à savoir : l'évolution des volumes, l'accroissement de la production, l'augmentation des marges, etc. Les acteurs de la grande distribution imposent aux fournisseurs des prestations de services facturées non pas, sur le bénéfice, mais plutôt sur le chiffre d'affaires. Ces prestations de services ne sont rien d'autre qu'une présence privilégiée dans les catalogues, un accès permanent aux statistiques de vente, le mètre carré de surface de vente dans les magasins, etc. L'acceptation de ces prestations est une condition sine qua non préalable à l'achat du produit du fournisseur. Cette pratique a été condamnée par la Cour d'Appel de Paris en 2015¹ dans une assignation à l'encontre de Carrefour Hypermarché.
L'imposition de remises complémentaires insidieuses
L'accès à la table des négociations annuelles est conditionné par l'acceptation préalable des remises complémentaires de distribution. Le fournisseur est tenu d'y donner suite favorable s'il veut garder son référencement. Une opposition à ces remises complémentaires laisse place à des mesures de rétorsions graduées à savoir : le refus d'accès en magasin, le boycott temporaire des produits du fournisseur, la suppression des publicités voire le déréférencement du fournisseur.
Le délit de marchandage
Outre les négociations musclées, le fournisseur serait obligé de fournir de la main oeuvre pour vendre ses produits dans les locaux de l'enseigne. La vente est effectuée sous les directives de la grande enseigne. Un lien de subordination est donc transféré à la société utilisatrice pour une prestation dans laquelle les deux sociétés puisent un intérêt financier. Cette pratique est facilitée par le positionnement du fournisseur qui, au nombre du volume croissant de commandes d'année en année, effectue l'essentiel de son chiffre d'affaires auprès de ce client. C'est un piège que le fournisseur ne verrait pas venir.
Les stratagèmes décrits dans le Livre, supposément ceux des acteurs de la grande distribution, pour affaiblir le fournisseur contrastent incroyablement avec d'autres pratiques plus vertueuses de l'industrie ou des services.
¹Cour d'appel de Paris, 1er juillet 2015, n° 14/03593