Que pensent les CEO de la fonction achat ?
Publié par Audrey Fréel le | Mis à jour le
Fonction de plus en plus stratégique dans l'entreprise, l'acheteur a vu son métier considérablement évoluer ces dernières années. La direction générale l'identifie comme un acteur clé en matière de décarbonation, d'innovation et de sécurisation des approvisionnements. Retour sur le temps fort d'ouverture des UDA organisées par le CNA ce 18 juin 2024.
Comment sont perçus les acheteurs par les directeurs généraux ? Cette question a été posée à plusieurs dirigeants lors d'une table ronde organisée dans le cadre des universités des achats du CNA, le 18 juin dernier. Alors que la fonction est en pleine transformation, les intervenants ont rappelé le rôle clé des achats au sein de leur organisation. Ils doivent aujourd'hui acheter des produits de qualité, au bon prix, en s'assurant de leur disponibilité et en travaillant avec des fournisseurs écologiquement responsables. « Les achats sont très importants chez Legrand puisqu'ils représentent 33 % de notre chiffre d'affaires », informe Benoît Coquart, directeur général de Legrand.
Un rôle clé dans la décarbonation
Au-delà des dépenses, le coût carbone a aussi été pointé par les intervenants. Pour Legrand, le scope 3 constitue 98 % de ses émissions de gaz à effet de serre. « 17 % provient directement de nos fournisseurs, il est donc essentiel de travailler avec eux pour réduire nos émissions de GES », indique le dirigeant. De même, Benoît de Ruffray, président-directeur général d'Eiffage, confie que « le scope 3 représente 83 % de nos émissions de GES ». Il insiste sur l'importance de bien comprendre sa supply chain et d'embarquer ses fournisseurs dans la réduction de leurs émissions. Dans cette logique, Eiffage a récemment créé BlueOn, une place de marché à données environnementales qui valorise les fournisseurs engagés dans la décarbonation de leurs produits. Entretenir des relations de proximité avec ses partenaires n'est pas l'apanage des grands groupes. Les entreprises de taille plus modeste s'emparent aussi du sujet, montrant la montée en puissance du rôle des acheteurs dans ce type de structures. A l'instar de Nicomatic, une ETI familiale spécialisée dans les micro-connecteurs. Si l'entreprise ne dispose pas de direction des achats, elle mise sur la transversalité. « La moitié de nos collaborateurs en France sont aujourd'hui capable d'avoir une relation avec un fournisseur, alors que nous étions auparavant très silotés », indique Olivier Nicollin, le p-dg. Un enjeu de taille puisque 67 % du chiffre d'affaires de Nicomatic est réalisé grâce à ses fournisseurs. « Ces derniers représentent aussi 75 % de notre empreinte carbone », confie le dirigeant. Soucieuse d'entretenir de bonnes relations avec ses fournisseurs, la société a récemment réalisé une évaluation inversée auprès de 200 fournisseurs (sur un total de 1000). « 40 % seulement d'entre nous affirment qu'ils nous connaissent bien. Nous devons donc encore travailler pour être plus transparents et donner un maximum d'informations afin d'aider nos fournisseurs à mieux nous connaître », estime Olivier Nicollin.
S'allier pour innover
Pour accélérer leurs initiatives en matière de décarbonation, certaines entreprises créent des alliances. Là encore, les acheteurs sont souvent étroitement impliqués dans ce genre de collaboration. La table ronde a notamment mis en avant une coopération entre différents acheteurs d'entreprises, à savoir L'Oréal, Coca-Cola, Procter & Gamble, The Absolut Group et Carlsberg, qui ont planché avec un fournisseur commun, Paboco, sur le développement d'une bouteille en papier. « Trois facteurs aboutissent à la création de cette alliance : l'urgence, le coût et le besoin d'innovation. Je crois beaucoup en l'avenir de la coopération et de la coopétition en matière de décarbonation », déclare Natacha Tréhan, maître de conférences en management des achats responsables, directrice du Master Desma de Grenoble IAE-INP et chercheuse au Cerag. En ce sens, Eiffage a lancé en 2019 un club industriel bas carbone nommé Sekoya. Conçue en partenariat avec Impulse Partners, cette initiative vise à promouvoir des matériaux et procédés bas carbone dans la construction. Il regroupe différents acteurs du secteur privé (dont Legrand), public et institutionnels. « Cela implique que les acheteurs travaillent plus étroitement ensemble et qu'ils s'intéressent de plus en plus à la technologie », indique Benoît Coquart. Avec un objectif commun : mutualiser les forces pour réduire l'empreinte carbone dans le secteur de la construction.