Voyage d'affaires et décarbonation : comment résoudre une équation impossible ?
Publié par MATHIEU NEU le - mis à jour à
Le déplacement professionnel le plus écologique est celui qui n'existe pas. Au-delà de cette assertion maintes fois citée pendant les récents confinements, l'enjeu est aujourd'hui de définir les modalités de voyage acceptables, alors que la nécessité de se déplacer revient sur le devant de la scène.
« Comment décarboner les déplacements de voyageurs ? » C'est avec cet intitulé que se sont déroulés les échanges de l'une des conférences les plus attendues du salon IFTM Top Resa qui vient de fermer ses portes à Paris. Fabrice Del Taglia, directeur général du voyagiste responsable Nomade Aventure et intervenant à cette occasion, s'est empressé de débuter son discours par les mots suivants : « le voyage, quel qu'il soit, comprenant aucune émission de gaz à effet de serre, n'existe pas et n'existera jamais. » Un rappel sans doute nécessaire, les défis réalistes se situant davantage au niveau de la compensation ou de l'absorption des effets néfastes sur l'environnement.
Sur ce terrain, le fait de privilégier des agences ou des fournisseurs engagés dans une démarche écologique active est cité comme un choix à retenir. Si l'ensemble des activités polluantes planétaires ne peuvent être compensées par des opérations de reforestation, « il faut rappeler que c'est possible pour ce qui est du seul secteur du voyage », souligne-t-il. Plus en détail, certaines initiatives présentent des avantages doubles : la reforestation en privilégiant des mangroves permet d'une part l'absorption du CO2 dans l'atmosphère, et d'autre part de constituer un rempart dans les zones côtières des régions tropicales menacées par la montée du niveau des mers.
Le choix des fournisseurs au coeur des politiques responsables
Certains modes de déplacements comme les transports ferroviaires sont un levier majeur à actionner en réponse aux priorités RSE des organisations. Pour un seul voyageur, un aller Paris - Amsterdam équivaut à 6 kg de CO2, tandis que 59 kg de CO2 sont nécessaires pour le même déplacement effectué en avion. Le covoiturage nécessite 48 kg pour le même itinéraire, et le bus 11 kg. Mais il est à noter que ce constat n'est pas transposable à tous les déplacements internationaux. En France et dans certains pays limitrophes, l'électricité utilisée par le réseau ferroviaire provient des centrales nucléaires, voire même des énergies renouvelables, ce qui explique ces chiffres très satisfaisants. Le calcul de l'impact carbone devient bien plus complexe pour les transports en train plus lointains. Certaines lignes électriques sont alimentées par l'utilisation de ressources fossiles. D'autres portions ne sont même pas électrifiées. Certaines consommations de CO2 ont par ailleurs un caractère insoupçonnable pour les travel managers : un déplacement en première classe en train ou avion s'avère toujours plus coûteux en CO2 que le même voyage en deuxième classe, en raison du nombre de sièges moins élevé dans ces espaces dédiés, qui fait mécaniquement augmenter les coûts de CO2. Le choix des hôtels labellisés grâce leur fonctionnement vertueux ou de restaurants privilégiant des produits de circuit court, issus d'une pêche responsable sont également pertinents. Au-delà de cette relation aux fournisseurs, Fabrice Del Taglia invite à considérer les déplacements en mettant dans la balance l'importance et l'utilité de ces derniers. « Un membre du GIEC qui voyage dans le cadre de ses missions a davantage de légitimité à émettre du CO2 qu'un touriste européen qui s'envole pour la République dominicaine pour profiter du soleil en plein hiver », illustre-t-il. A chaque entreprise de s'interroger sur la valeur ajoutée apportée par chacun de ses déplacements.