Les entreprises sont-elles plus responsables dans leur gestion de l'eau ?
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Qualifiée d'or bleu, l'eau est devenue un enjeu incontournable pour les entreprises. Dans le cadre du 6e forum mondial de l'eau, le cabinet Deloitte et l'association entreprises pour l'environnement (EpE) ont rendu public le rapport "Les entreprises et l'eau : vers une gestion responsable?".
Dans le cadre du 6e forum mondial de l'eau qui se déroule du 12 au 17 mars à Marseille, le cabinet Deloitte et l'association Entreprises pour l'environnement (EpE) ont rendu public un rapport sur la gestion de l'eau par les entreprises. Intitulé "Les entreprises et l'eau : vers une gestion responsable ?" *, celui-ci pointe du doigt les pratiques des entreprises et émet des recommandations en termes de responsabilité environnementale.
Face aux contraintes réglementaires et physiques de la ressource eau, les entreprises ont pris conscience du besoin d'être vigilantes sur cette problématique. La raison ? Au même titre que les autres ressources naturelles, les ressources en eau ne sont pas inépuisables. Et les entreprises sont fortement dépendantes à la ressource eau pour leur activité directe et l'ensemble de leur supply chain. Dorénavant, elles sont interpellées sur leur empreinte eau. Une notion qui recouvre aussi bien les prélèvements sur la ressource que les consommations liées au processus de production ou au rejet des utilisateurs de leurs produits.
L'eau et l'énergie qu'elles requièrent pour son traitement ou son utilisation sont devenues des enjeux économiques importants et deviennent des préoccupations croissantes au sein des entreprises comme Essilor.« Aujourd'hui, il faut considérer non pas uniquement le prix de l'eau mais l'ensemble des coûts liés à la consommation d'eau. Nous avons besoin d'une eau très pure pour nos procédés industriels, ce qui rend les traitements en amont et en aval très coûteux », explique Claude Darnault, chez Essilor.
Au sein de Vallourec, le coût lié à la consommation d'eau est calculé sur chaque site. Il inclut notamment le coût de l'énergie utilisée pour le pompage de l'eau, la maintenance des équipements liés à l'exploitation de l'eau et des produits chimiques utilisés pour le traitement de l'eau avant rejet.
Danone a développé de son côté un outil d'empreinte de l'eau "Drop" en 2010. Cet outil est basé sur une approche d'analyse de cycle de vie. Il prend en compte l'ensemble des consommations en eau à chaque stade du produit (emballage, transport, recyclage, etc.). L'impact de cette consommation est mesuré en m3 équivalent prenant en compte les stress hydriques locaux. Les mesures compensatoires sont également évaluées.
Différents outils existent pour mesurer cette empreinte eau. On peut citer : le Global Water Tool (WBCSDI1), le Water Sustainability Tool (GEMI2) ou le Water Footprinting (WFN3).
Le premier propose un inventaire des sites géographiques situés en zone de stress hydrique, tandis que le deuxième aide à identifier les principaux enjeux tout en dressant une politique générale de l'eau. Enfin, le troisième cartographie l'étendue et le type d'impact sur l'eau des entreprises. L'outil le plus complet paraissant être le Water Sustainability Tool qui amène des propositions de pistes stratégiques contrairement aux deux autres.
Pour unifier ces différents outils, une norme ISO 14046 est en cours d'élaboration. Cette future norme sera standard pour évaluer l'empreinte eau des produits, des process et des organisations. Elle viendra en complément de la norme ISO 14000 portant sur l'empreinte carbone. La date de validation de cette future norme 14046 n'est pas connue.
Seules 41 % des entreprises établissent un rapport sur les risques liés à l'usage de l'eau. Des risques physiques, réglementaires ou de réputation. Parallèlement, les entreprises communiquent différemment sur leur gestion de l'eau. Ainsi, moins de 12 % des entreprises décrivent une démarche structurée dédiée à la gestion de l'eau. Plus de 58 % formalisent des engagements chiffrés pour une gestion responsable de l'eau. Mais 95 % communiquent sur des initiatives menées ponctuellement (récupération des eaux de pluie, mise en place de stations de traitement, etc.).
En conclusion de cette étude, le cabinet Deloitte dresse quatre pistes de réflexion pour les entreprises. Deloitte plaide pour la mesure et la valorisation de l'empreinte eau via une cartographie des risques, une estimation des coûts liée à l'eau mais également à un dialogue avec les parties prenantes (ONG, etc.) sur le diagnostic, les plans d'actions et les indicateurs mis en place. Un troisième axe de réflexion doit porter sur la définition des priorités et un plan d'actions cohérent avec les autres démarches de l'entreprise, toujours selon le cabinet de conseil. Enfin, le quatrième vise à une mobilisation des opérationnels sur le long terme avec un pilotage de la performance eau, un reporting et des standards à respecter.
Selon Deloitte, l'effet de rareté peut également être créateur d'opportunité pour l'entreprise. Il peut être générateur d'innovations.
*Cette étude a été menée de juin 2011 à février 2012 à partir de la documentation publique (rapports annuels, rapports développement durable, sites internet) et d'entretiens réalisés auprès de 28 entreprises (santé chimie, services à l'environnement, producteurs d'électricité, etc.). Parmi elles, Eads, Bouygues, Michelin, Eiffage, Areva, Danone, etc.
(1) WBCSD : World Business Council for Sustainable Development
(2) GEMI : Global Environmental Management Initiative
(3) WFN : Water Footprint Network