Industrie automobile : une pénurie révélatrice de pratiques obsolètes
Publié par MATHIEU NEU le | Mis à jour le
Les grands noms de l'automobile souffrent d'une crise d'approvisionnement inédite. En cause, les fournisseurs de semi-conducteurs qui se sont réorientés ces derniers mois vers d'autres marchés. Une illustration funeste du manque crucial de visibilité et de données entre acteurs d'une même chaîne.
Jamais l'industrie automobile n'aura connu pareilles secousses au cours d'une même année. Après un effondrement de l'activité au début de la pandémie du covid-19, les chaînes d'approvisionnement du secteur sont à nouveau sous le feu des projecteurs avec des pénuries massives de semi-conducteurs qui se répercutent sur de nombreux leaders mondiaux. Après Ford, contrainte de suspendre la production dans une de ses usines américaines en décembre, puis en Allemagne en janvier, c'est au tour de Nissan de subir les violents contrecoups d'un fort regain de la demande. La nouvelle entité Stellantis, qui regroupe désormais PSA et Fiat Chrysler, a elle aussi réduit considérablement le rendement de plusieurs sites.
A l'origine de ce phénomène, "un manque de synchronisation entre les différents acteurs", assure Jean-Baptiste Clouard, cofondateur de Flowlity, fournisseur de solutions de prévision et de planification de la chaîne d'approvisionnement basée sur l'intelligence artificielle. "Les vendeurs de composants électroniques ont arrêté net leur activité avec la crise sanitaire. Ils se sont au fil des mois tournés vers d'autres marchés. Avec la reprise brutale de l'activité automobile à compter de fin 2020, ils n'étaient ensuite plus en mesure de satisfaire les demandes."
L'interdépendance des acteurs et l'évolution des véhicules, toujours plus riches en électronique embarquée, complique encore le problème. "La moindre perturbation d'un fournisseur sur la chaîne d'approvisionnement s'amplifie au fur et à mesure que l'on passe à des entreprises plus en aval, jusqu'au donneur d'ordre final où la conséquence peut se traduire par l'arrêt pur et simple de l'activité d'une usine", poursuit-il.
Un effet loupe sur un problème endémique
Indépendamment de la crise exceptionnelle actuelle, les difficultés de gestion optimale liées au stock, tantôt en excès, tantôt insuffisant, représenteraient chaque année des pertes de 2 000 milliards d'euros au total, soit le PIB de la France.
Le partage de l'information et la visibilité globale sur la chaîne constituent la clé pour résoudre le problème. Or, l'échange de ses données catalogue avec les entreprises clientes est l'un des points délicats. Il revient à rendre visible des éléments confidentiels comme l'ensemble des prix pratiqués, les conditions dont peuvent bénéficier d'autres concurrents. "C'est un frein considérable à la mise en place de solutions logicielles partagées qui rendent les murs entre entreprises partenaires poreux", explique Jean-Baptiste Clouard.
Flowlity propose des analyses prévisionnelles et de disponibilités de produits en fonction de nombreux critères et, surtout, en conservant la confidentialité de certaines informations. Basée sur l'intelligence artificielle, l'offre joue le rôle d'acteur tiers, entre clients et fournisseurs. "Nous fournissons des recommandations quant aux décisions d'approvisionnement à prendre. Mais seul notre algorithme dispose d'un accès intégral aux données", précise Jean-Baptiste Clouard.
Dans le domaine industriel, les entreprises restent largement tournées vers l'usage d'Excel et de solutions peu propices à un fonctionnement efficace d'avenir, y compris dans de grands groupes. Mais les offres innovantes de ce type et les prises de conscience consécutives à la crise actuelle pourraient faire évoluer rapidement les organisations. "Nos ventes ont décollé avec le contexte de tensions liées au covid-19. Dès le début de l'été 2020, nous avons signé de nombreux projets", se réjouit le dirigeant de Flowlity.