Trois questions à... Damien Forterre, co-auteur du livre " Gérer les risques des achats à l'international " chez Dunod
Publié par Yves Rivoal le | Mis à jour le
Co-auteur avec Catherine Lafarge du livre " Gérer les risques des achats à l'international " paru chez Dunod, Damien Forterre nous éclaire sur les grands écueils à éviter dans les processus d'achats à l'international.
Quels sont les principaux risques lorsque l'on développe les achats à l'international ?
Nous répertorions dans notre ouvrage neuf grands risques. Vous avez d'abord des risques "pays", qui sont liés aux grands agrégats économiques comme le PIB ou le pouvoir d'achat, mais aussi aux grands enjeux politiques, sociaux, technologiques ou législatifs. Il faut également tenir compte des risques inhérents au sourcing et aux fournisseurs, qui sont amplifiés à l'international par la distance et la complexité des flux logistiques à mettre en oeuvre. Arrive ensuite le risque interculturel au moment de la négociation. Dans certains pays, le rapport au pouvoir, à la masculinité ou au temps, peut être complètement différent. Vous avez ensuite des risques liés aux contrats, aux paiements et aux approvisionnements. En un an, la monnaie brésilienne, le real, peut connaître des variations de 25 %, ce qui impacte forcément le coût total. Je citerai enfin le risque d'image : en travaillant avec des fournisseurs qui ne respectent pas les grands engagements internationaux en matière de RSE, par exemple, l'entreprise s'expose à une dégradation de sa réputation.
Comment se prémunir contre tous ces risques ?
Lorsque l'on arrive dans un pays émergent, il s'agit d'abord de bien sélectionner les premiers contacts, en s'appuyant sur les grandes bases de données mondiales de l'OCDE et du FMI. Une fois le panel de fournisseurs sélectionné, il faut s'assurer qu'ils ont les reins suffisamment solides et qu'ils sont capables d'aborder la dimension internationale. Il convient ensuite de pratiquer des audits réguliers pour s'assurer de la qualité des livraisons dans le temps. Sur le plan financier, il est important d'évaluer les options à activer pour se couvrir contre le risque de change. Mieux vaut également mettre en place une veille législative pour s'approprier l'ensemble des directives et des règlements locaux, en évitant d'imposer les règles en vigueur dans son propre pays. Au moment de la négociation, de la signature du contrat et de la détermination des différentes sources d'approvisionnement, il est pertinent, à mon sens, d'intégrer des équipes locales afin d'éviter les risques interculturels.
Quel regard portez-vous sur la maturité des achats dans les pays émergents ?
La quasi totalité des acheteurs au sein des grands groupes et des entreprises intermédiaires font de mieux en mieux leur travail. Mais en temps de crise, ils sont souvent confrontés à un dilemme : doivent-ils négocier pour obtenir des coûts les plus bas possibles ou doivent-ils privilégier les partenariats de productivité pour dégager de nouveaux leviers de valeur ajoutée ? C'est en général la direction générale qui arbitre. Dans les PME, les services achats demandent à être structurés, leur légitimité n'étant pas encore complètement assurée. Mais la conjoncture les incitera à se regrouper pour initier des achats concentrés, ou à s'implanter progressivement dans les pays émergents comme le font les grands groupes depuis une quinzaine d'années. Je pense qu'elles auraient aussi tout intérêt à signer des partenariats de productivité et à détacher un ou plusieurs collaborateurs chez leurs fournisseurs stratégiques pour développer l'innovation et la créativité qui leur permettront, à terme, de générer un avantage concurrentiel.