Des relations grands comptes / PME encore à pacifier ?
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Les relations entre grands comptes et PME font toujours débat. Si le recours à la médiation peut s'avérer nécessaire, les PME doivent s'appuyer sur la force de frappe de ces groupes sur la scène internationale pour croître. Tels ont été les sujets abordés par Croissance Plus le 8 décembre dernier.
« Nous avons dû saisir le médiateur des relations interentreprises pour vol de propriété intellectuelle de la part d’un grand groupe de l’énergie », témoigne un responsable de PME lors d’un petit-déjeuner organisé le 8 décembre dernier à Paris par Croissance Plus, réseau français des entrepreneurs de croissance, sur les “Relations PME / Grands groupes : les clés d’une relation équilibrée”.
En effet, cette PME avait négocié un contrat avec cet énergéticien avant que la direction achats de ce dernier ne transmette le business plan de la PME à une autre société pour négocier le même type de prestation à moindre coût. L’histoire se finit bien. La PME a eu gain de cause et ses relations avec la direction achats du groupe se sont améliorées. Un nouveau contrat a même été signé.
Dans cette situation particulière, la saisine de la médiation a eu l’effet escompté sur les acheteurs qui ont fait marche arrière. Si la PME parle d’un vol de propriété intellectuelle, le grand compte rétorque qu’il y a un vide juridique dans le contrat. Néanmoins, ce témoignage illustre les efforts qu’il reste à fournir et les incompréhensions qui persistent entre les PME et les grands comptes.
Si les PME se montrent encore trop réticentes à recourir à cette médiation, elles peuvent également « y avoir recours grâce à des actions collectives », insiste Alain Thibault, coprésident de la Commission PME – Grands groupes.
Face à un parterre de représentants de PME, Pierre Pelouzet, directeur achats de la SNCF et président de la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France (CDAF) se fait l’avocat du diable et insiste sur l’importance de recourir au médiateur de Bercy, Jean-Claude Volot, et à la saisine pour régler ce type de différents.
Aujourd’hui, près de 213 grandes entreprises ont signé la charte des bonnes pratiques de la relation de la médiation des relations interentreprises, alors qu’elles n’étaient que 20 en février 2010.
Cette charte des bonnes pratiques insiste sur le respect de la loi de modernisation économique, notamment en ce qui concerne le respect du délai de paiement. En effet, le non-respect du délai de paiement est pointé du doigt par 73 % des PME adhérentes à Croissance Plus, qui notent une augmentation de celui-ci.
Comment y remédier si le respect de la loi n’est pas une garantie face à ce problème récurrent ? « Les PME ne mettent pas en œuvre au bon moment les outils nécessaires pour une approche “zéro risques”, comme des audits techniques ou une communication financière », pour Nicolas Beaudouin, associé KPMG, cabinet d'audit, d'expertise comptable, de conseil pour groupes internationaux, PME et TPE.
Si un retard dans la comptabilité d’une grande entreprise n’a pas d’incidence, elle peut cependant conduire au dépôt de bilan d’une PME en attente de règlement. « Il faut rompre avec la vision court-termiste des grands comptes et faire vivre la relation dans la durée », affirme Nicolas Beaudouin de KPMG.
Face à ce constat, Pierre Pelouzet rétorque : « Il y a une vraie prise de conscience, de la part des grands comptes, de leur impact sur le tissu économique et industriel français. » Cependant, il insiste sur le fait que ce n’est « qu’une prise de conscience ».
La raison ? « L’achat est un métier récent », insiste Pierre Pelouzet. De plus, les acheteurs « subissent des contraintes fortes de la part des directeurs financiers et juridiques. » Et en raison de la taille et de l’organisation de ces grands groupes, dès qu’un « grain de sable enraye la machine », tout devient plus compliqué à l’échelle d’un grand compte.
« Au-delà de la diabolisation, pour Brice Pineau, coprésident de la Commission PME – Grands groupes, il faut une meilleure compréhension des mécanismes de fonctionnement des grands comptes. » Face aux réorganisations des grands groupes et aux changements internes, Alain Thibault, également coprésident de la Commission PME – Grands groupes, souligne le « manque d’informations cohérentes pour les PME ». Celles-ci ne savent plus vers qui se tourner. Pour y remédier, la SNCF a notamment mis en place une boîte aux lettres virtuelle pour permettre aux PME d’être redirigées vers les bons interlocuteurs et ainsi de ne pas se perdre dans les méandres de la direction achats avec ses 700 acheteurs.
Face à ces constats, tous le reconnaissent : les PME et les grands comptes ont besoin les uns des autres. Et le président de CDAF de le reconnaître le premier : « Les grands comptes ne peuvent exister sans les PME. » Jean-Marc Barki, patron de Sealock, une PME spécialisée dans les adhésifs, considère, pour sa part qu'il faut « arrêter de considérer cette relation grands comptes / PME comme une relation parents / enfants ».
Comment les grands groupes français peuvent-ils soutenir la croissance des PME ? Il formule le vœu que les grandes entreprises françaises travaillant à l’étranger emmènent dans leurs bagages des PME tricolores et les imposent comme fournisseurs. En misant ainsi, en quelque sorte, sur une préférence nationale. Une avancée : Alain Thibault, coprésident de la Commission PME – Grands groupes, s’est engagé à donner la liste des grands comptes mauvais élèves à Pierre Pelouzet pour travailler conjointement sur des solutions.
Cette promesse sera-t-elle tenue ? L’avenir nous le dira.