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Le voyage d'affaires à l'épreuve de l'inflation

Publié par Mathieu Neu le | Mis à jour le

Dans un contexte de reprise des activités, les déplacements professionnels et les questionnements quant à leur raison d'être se heurtent à une envolée inédite des prix. L'occasion de rebattre certaines cartes.

« En termes de budget Voyages, nous avons fini 2022 à 70 % par rapport à 2019, et on va essayer de garder ce cap. Notre objectif est de prioriser les voyages essentiels, essayer de regrouper en un seul déplacement ce qui auparavant nécessitait plusieurs allers-retours. » A l'occasion du Grand Live du voyage d'affaires organisé par CDS Groupe en janvier dernier, Katharina Navarro, Global Category Manager Travel and Meetings chez Capgemini, décrivait ainsi la situation au sein de son entreprise. Ce mot d'ordre, visant à mieux maîtriser le volume des déplacements professionnels pour voyager mieux et moins, semble devenir un standard dans de nombreuses organisations.

Le niveau toujours plus élevé des prix n'est sans doute étranger à ces souhaits affichés. « On a assisté à une reprise très forte des déplacements d'affaires dès le printemps 2022. Parallèlement, les prix ont littéralement explosé avec des taux d'occupation redevenus très forts. Les réservations étaient malgré tout au rendez-vous. On a toutefois observé des premiers reculs au quatrième trimestre 2022, probablement en raison des opportunismes et exagérations adossés à l'inflation », explique Christophe Roth, Christophe Roth, director Mobility Practice au sein du cabinet de conseil Epsa. A la sortie de la période funeste du covid-19, « bon nombre d'entreprises ont voulu renégocier les conditions contractuelles. Elles veulent aujourd'hui faire beaucoup plus attention, pour des raisons relatives aux pratiques RSE, mais aussi pour mieux maîtriser leurs frais. Nous avons constaté en interne des augmentations de prix de + 20 à +30 %, aussi bien sur l'aérien et que sur les hébergements, depuis environ un an».

Un besoin de transparence sur les prix


Dans ce contexte, les réclamations et mécontentements prennent toujours plus de place les discussions. « Le sentiment d'être floué est devenu une réalité, ce qui est bien compréhensible. Ce n'est pas avec des augmentations injustifiées qu'on entretient des partenariats de long terme. On demande de plus en plus souvent des explications relatives aux prix, à l'égard notamment des agences de voyages d'affaires. Des pratiques de markup ont été pointées du doigt : des agences ont proposées des billets d'avion en appliquant des hausses de 20 à 30 % parfois, ce qui est parfaitement illégal. Plusieurs litiges sont en cours », confie Christophe Roth.D'autres questionnements portent sur le modèle économique du secteur et le rôle véritable des agences. Ces interrogations étaient déjà présentes avant la crise sanitaire, « mais celle-ci est venue montrer qu'elles jouaient un rôle essentiel d'intermédiaire, de gestion d'après-vente, d'accompagnement sur un plan sécuritaire par exemple. Rappelons que dans un contexte comme le récent séisme en Turquie et en Syrie, l'employeur doit pouvoir indiquer précisément et à tout instant où se trouve chacun de ses collaborateurs. Les agences sont précieuses dans ces cas », poursuit-il.


Le besoin de transparence relatif aux prix pose aussi la question d'une meilleure maîtrise des flux en interne. « Paradoxalement, dans le contexte actuel, on remarque qu'une grande majorité des entreprises ne savent pas exactement combien elles dépensent par an en matière de voyage d'affaires, surtout quand ils n'ont pas d'agence de voyage d'affaires », remarque Zahir Abdelouhab, General Manager France de Navan (anciennement TripActions). Auréolé d'un nouveau nom depuis quelques semaines, ce fournisseur de solutions veut se définir comme « un logiciel d'entreprise conçu au service des utilisateurs, tout en servant les intérêts de l'entreprise. L'omniprésence du mobile au quotidien et la démocratisation de l'intelligence artificielle forment un nouveau virage. Nous agrégeons déjà en un seul outil la gestion des voyages, des notes de frais et des paiements, et il faut s'adapter à des demandes qui évoluent : les temps de remboursement pour les dépenses professionnelles sont toujours trop longs. Ce n'est plus acceptable », poursuit-il.

Les fonctionnalités d'IA arrivent à point nommé

Les entreprises cherchent à rationaliser leur système, à moindre coût, en tenant également compte de nouveaux usages comme les voyages dont le but est simplement d'aller voir ses collègues, qui sont apparus avec le télétravail. A court terme, Navan envisage d'ouvrir de sa plateforme à tous les voyageurs munis d'une adresse email professionnelle, de sorte qu'ils puissent gérer les voyages professionnels mais également personnels par le même biais, tout en bénéficiant dans tous les cas des tarifs négociés. « L'objectif des développements est d'aller vers toujours plus d'agilité, de simplicité, et d'offrir des services séduisants et fédérateurs. Dans un passé encore récent, il fallait systématiquement téléphoner à son agence pour la moindre décision à prendre ou la moindre modification à apporter. Ce temps là doit bien sûr être révolu pour de bon », estime Zahir Abdelouhab.
Nul doute que l'intelligence artificielle va accélérer rapidement les évolutions et pratiques. Navan intègre d'ores et déjà le machine learning afin de tenir compte des préférences des clients et des tarifs les mieux appropriés. OpenAI, devenu mondialement célèbre depuis quelques mois grâce à l'offre disruptive de ChatGPT, est aussi intégrée aux solutions proposées. « Ces avancées sont particulièrement intéressantes pour les modifications de vol par exemple : le bot évolutif proposé prend ces opérations en charge à la place de l'humain dans de nombreuses situations. Les collaborateurs de l'agence restent disponibles pour la gestion des besoins plus spécifiques », ajoute-t-il.

La RSE malgré tout dans tous les esprits

Si les prix cristallisent l'attention de tous les acteurs, les impératif RSE ne semblent pas pour autant relégués au second plan. « L'intérêt manifesté sur ce plan ne diminue pas. Nous avons des fournisseurs qui tentent d'être le plus exemplaires possibles sur ce plan, à l'image de Lufthansa et AirFrance. The Treep, notre partenaire SBT, se distingue aussi sur ce plan. Le fait de pouvoir mettre en avant ces acteur, à l'inverse des low costs, est aujourd'hui très précieux », indique Charly Verchere, directeur associé de l'agence de voyage Columbus.

Pour Christophe Roth, les engagements RSE s'apprêtent à prendre une nouvelle dimension. « Il existe de plus en plus souvent une volonté d'agir au-delà de la simple vitrine. Un véritable changement suppose des efforts dans ce domaine. Des compagnies aériennes proposent de la plantation d'arbres en compensation des voyages. Ce n'est ni sérieux, ni crédible. La conduite du changement doit porter aussi sur de la promotion du train par exemple, pour les voyages domestiques en France. » A l'heure actuelle, certains itinéraires comme les Paris-Marseille se font toujours majoritairement en avion pour les déplacements professionnels.

L'enjeu environnemental fédère les parties prenantes

Baisser les coûts des voyages, se déplacer de façon plus écologique, prioriser les outils de visioconférence... Ces différentes motivations ont un point commun : elles sont compatibles avec la mise en application des politiques RSE et semblent mettre tout le monde d'accord. A l'heure où les leviers de fidélisation et de recrutement doivent être actionnés, les désirs des voyageurs d'affaires ne sont pas à prendre à la légère, et ceux-ci tombent à point nommé avec les contraintes des entreprises : selon la sixième édition de l'observatoire des déplacements professionnels mené par Corporate Mobilities et OpinionWay, 89 % des voyageurs sont prêts à repenser leurs déplacements professionnels dans une logique de sobriété en incluant des critères sécuritaires et sanitaires. Ils sont aussi 80 % à déclarer être fortement intéressés par de nouvelles propositions liées au voyage responsable comme tester la conduite de véhicules propres, connaître le coût global d'un déplacement professionnel ou avoir la possibilité de choisir entre différentes alternatives de déplacement en fonction du coût et du bilan carbone. Les entreprises affichent par ailleurs leur volonté de diminuer la fréquence et l'intention de déplacements, quels que soient la nature et les motifs de ces derniers. Un alignement d'intérêt qui devrait être profitable à tous.

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