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Numérique responsable : la dépollution aux prises avec des besoins IT croissants

Publié par Mathieu Neu le | Mis à jour le

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Alors que l'intelligence artificielle et la 5G ne font pas encore partie du quotidien, les consommations informatiques suscitent l'inquiétude en raison de leur impact environnemental. La digitalisation des entreprises se heurte à l'urgence de l'écoresponsabilité et demande des arbitrages.

Technologie versus écologie. Ainsi pourrait se résumer l'épineuse question de la modernisation des tâches en entreprise à l'heure où les exigences écologiques imposent une utilisation plus durable et raisonnée de l'informatique. Si 51 % des salariés ont conscience d'adopter de mauvaises habitudes en matière de responsabilité numérique, ils sont 45 % à admettre être plus efficaces au travail en n'adoptant pas certains gestes vertueux, indique une enquête publiée par OpinionWay en décembre 2022. L'étude rappelle par ailleurs que les équipements informatiques représentent 21 % de la consommation électrique d'une entreprise de bureau.

Adopter de bonnes pratiques dans ce domaine reste délicat, mais la situation évolue très vite. « Il y a une prise de conscience que la meilleure solution est de moins consommer à l'origine. Dans les appels d'offres, on constate que 25 à 30 % des entreprises en 2022 ont des chapitres demandant des éléments de réponse constructifs sur ce plan. Un an plus tôt, on peinait à arriver à 10 %. Le prix et le type de solutions technologiques restent tout de même le premier critère dans les choix, mais il est fort à parier qu'en 2023 on passe la barre des 50 % dans ce domaine », se réjouit Stéphane Hascoët, président de Jiliti, spécialiste de la gestion d'infrastructures IT.

Verdissement de l'IT réel... ou de façade ?

Comme d'autres acteurs, l'entreprise propose désormais des matériels de seconde main, et rappelle que « 70 à 80 % des besoins d'application en entreprise peuvent largement être assumés par le biais de matériels recyclés, sans aucune différence de performance. »

Pour Jérôme Cilly, Agile Practice Leader chez Ippon Technologies, cabinet de conseil en accompagnement IT, cette évolution rapide s'inscrit dans une tendance générale tournée vers les consommations durables. « Mais on n'en est pas aux projets IT qui sont justifiés par l'approche Green. En général, les organisations souhaitent mener des projets de transformation, dans lequel on s'efforce de tenir compte autant que possibles de critères écoresponsables. C'est pourquoi de plus en plus d'entreprises font appel à des sociétés établies dans le domaine de l'informatique durable. Tous nos consultants sont désormais formés systématiquement à ces sujets », explique-t-il.

Tous les secteurs semblent concernés par l'intégration de ces nouvelles priorités. « Le secteur public en particulier est en première car ce sont des acteurs qui se doivent être exemplaires. La DAE (Direction des Achats de l'État) a placé la barre très haut en termes d'exigences », estime Barton Finn, responsable relation acheteurs pour TCO Development. « Dans la sphère privée, tous les domaines d'activité s'impliquent, avec peut-être une dominante pour les banques et assurances, très investies.

De façon générale, la fonction Achats numériques responsables se développe dans les organisations, ce qui témoigne d'une tendance de fond. »

D'autres experts du secteur soulignent que si les banques font figure de bons élèves, c'est sans doute également pour compenser une autre réalité peu écologique : celle du trading qui recourt toujours plus à des solutions technologiques de pointe très consommatrices d'énergie en raison de flux de données à très haute fréquence.

Jérôme Cilly estime que les dispositifs légaux en vigueur ne sont pas assez sévères pour provoquer un changement réel, à la hauteur du problème écologique : « le fait que la loi REEN (Réduction d'empreinte environnementale numérique) soit très méconnu est un signe de règles trop peu contraignantes. La publication des bilans carbone devrait être appliquée systématiquement. Ils sont obligatoires, mais dans les faits, ne voient pas toujours le jour. Pourquoi ne pas rendre leur publication vraiment contraignante, en imposant des amendes fortes, rédhibitoires ? »

Des concrétisations pour concilier l'inconciliable

Même dans un contexte de besoins IT croissants, certains experts commeBarton Finn estiment que des démarches d'écoresponsabilité véritablement constructives n'ont rien d'impossible : « il faut arriver à utiliser les équipements le plus longtemps possible. C'est un des points clés. 80 % de l'impact carbone vient de la fabrication et à peine 20 % de l'utilisation. Par ailleurs, la 5G et l'IA impliqueront également à l'avenir un changement des usages du numérique. La sous-traitance croissante de l'IT auprès d'acteurs cloud qui auront l'obligation d'être toujours plus vertueux jouera un rôle clé pour évoluer en minimisant l'impact CO2. »

Il existe d'ores et déjà une tendance visant à faire de l'IT un levier de durabilité. « Nous sommes souvent en lien avec des acheteurs de solutions IT. Notre raison d'être est d'inciter les clients à utiliser leurs besoins IT pour s'en servir comme levier de responsabilisation », poursuit-il. Nous proposons TCO Certified qui est un certificat de durabilité attribué à un certain nombre de solutions matérielles. C'est un outil garantissant l'achat de numérique responsable. On travaille pour cela avec des organismes de vérifications comme des laboratoires de tests matériels ou des organisations qui vérifient les conditions de travail dans l'écosystème des fabricants. »

Pour Stéphane Hascoët, il est tout à fait possible d'agir simultanément sur différents tableaux : « le choix des matériels, l'achat ou la location avec services inclus, la sensibilisation aux bons usages sont autant de terrains d'action intéressants. » Au sein des organisations, ce sont généralement les équipes RSE qui font prendre conscience au travers des achats des nécessités de changement. « On redescend ensuite chez les opérationnels par le biais des achats pour concrétiser les demandes », ajoute-t-il. Les pratiques telles que le BYOD (Bring your own device) sont elles aussi encouragées et jugées pertinentes pour faire baisser l'impact carbone, tout comme le recours au marché du reconditionné, la réparation d'ordinateur.

« Il s'agit aussi de revenir sur certaines habitudes jusque-là synonymes d'avantages valorisants, comme le fait de fournir un smartphone à usage professionnel », indique Jérôme Cilly. Le volet logiciel et la manière dont les applications sont conçues peuvent également être passés au peigne fin. « On parle de plus en plus d'écocode, une notion qui consiste à écrire le code informatique de la façon la plus directe possible, de façon plus compactée, ce qui accélère la compilation et réduit l'utilisation des ressources lors des usages », décrit-il. « Le but est aussi de développer et d'intégrer uniquement le code quand on en a vraiment besoin, d'exploiter les images les plus petites possibles, ou encore de privilégier les boutons « suivant » sur des pages plutôt que le scrolling, plus gourmands également. »

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