Les plans de mobilité à l'heure de la transition écologique
Publié par Luc Perin le - mis à jour à
Les stratégies mobilité des grandes agglomérations privilégient de plus en plus les modes actifs, comme la marche et le vélo, et des transports en commun reverdis. Une évolution accompagnée notamment par les achats publics.
Quels sont aujourd'hui les grands enjeux de la mobilité urbaine ? "Le verdissement, la décarbonation, répond d'emblée Carole Pezzali, partner du cabinet de conseil Wavestone. Cela passe notamment par plus de mobilités actives, comme la marche, la trottinette ou le vélo, qui est moins développé chez nous que dans les pays nordiques. Les politiques mobilité doivent aussi améliorer la connexion entre le centre urbain et la périphérie." Stéphanie Dridi, chargée d'affaires spécialisées véhicules à la centrale d'achats UGAP, ajoute : "La gestion des flux de transport dans des centres-villes qui se densifient est également un enjeu important, d'autant plus que les zones à faibles émissions (ZFE) sont mises en place cette année." La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a en effet prévu la création de nouvelles zones interdites aux voitures les plus polluantes : elles devront stationner à l'extérieur des centres-villes. L'ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants doivent mettre en place ces zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
La loi d'orientation des mobilités de 2019
Deux ans plus tôt, en 2019, la loi d'orientation des mobilités avait fixé un cap aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) : "contribuer aux objectifs de lutte contre le changement climatique, contre la pollution de l'air, contre la pollution sonore et contre l'étalement urbain". Parmi ces AOM - communautés d'agglomération, communautés urbaines, métropoles - celles qui se situent dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants doivent obligatoirement se doter d'un plan de mobilité. Un document qui remplace le précédent plan de déplacements urbains. Il s'agit d'abord d'effectuer un diagnostic de la mobilité permettant de mettre en évidence les besoins des habitants. Ces AOM doivent ensuite définir un programme d'actions adapté dans le cadre d'un dialogue avec les acteurs du territoire.
Bordeaux Métropole a ainsi adopté en septembre 2021 un schéma des mobilités à horizon 2030. Il fait suite au plan local d'urbanisme intercommunal déplacements (PLUi-D) qui datait de 2016. La métropole a mené une large consultation entre novembre 2020 et janvier 2021, associant élus, acteurs institutionnels, économiques et associatifs, et citoyens. "Nous nous sommes attachés à repenser les mobilités pour décongestionner nos communes et faciliter les déplacements, explique Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole. Nous avions trois objectifs : restructurer un réseau de transports en commun, non plus en étoile avec comme épicentre la ville de Bordeaux, mais également de manière circulaire en intégrant les communes périphériques ; désenclaver la rive droite avec une nouvelle approche des franchissements possibles, notamment grâce au nouveau pont Simone-Veil ; développer les transports doux et alternatifs à la voiture." Le schéma des mobilités fixe ainsi des objectifs de parts modales qu'il compare aux résultats d'une étude de 2017 : 18% des déplacements réalisés en vélo contre 8% précédemment, 32% par la marche au lieu de 29%, 17% en transports en commun à la place de 12%, et enfin 33% en voiture à la place de 50%.
Bordeaux Métropole : décarboner les mobilités
La décarbonation est ainsi un enjeu majeur du schéma des mobilités de Bordeaux Métropole. Il prévoit de développer la mobilité électrique, avec notamment plus bornes de recharge et le prêt de vélos à assistance électrique. La métropole prépare aussi l'évolution de la flotte de bus avec l'achat de 12 bus standards électriques et de 2 bus hydrogène. La lutte contre la pollution de l'air passera également par la mise en place d'une zone à faibles émissions. Avec toutes ces mesures, le budget mobilités atteint 3,3 milliards d'euros pour la mandature en cours, soit un milliard de plus qu'au cours de la mandature précédente. 1,6 milliard d'euros sont consacrés à l'investissement, ce qui constitue une augmentation de 82% par rapport au plan pluriannuel d'investissement 2015-2020. Le fonctionnement représente quant à lui 1,7 milliard d'euros, soit une augmentation plus faible, de 14,5%, par rapport à 2015-2020.
"Les marchés publics liés à la mobilité portent principalement sur la fourniture de véhicules, les infrastructures et des prestations intellectuelles, poursuit Stéphanie Dridi. Il est nécessaire de renouveler le parc, beaucoup de véhicules étant encore dans les normes d'émissions euro 2 ou euro 3. " Beaucoup d'AOM investissent par ailleurs dans la mobility as a service (MAAS). "La MAAS est la mobilité vue comme un service, accessible, fluide, presque sans coutures, adaptée aux besoins des usagers, explique Carole Pezzali. Elle concerne l'achat de tickets, l'accès à une information claire, la validité des tickets et la capacité de jonction avec d'autres modalités de transport. Cette mobilité servicielle se concrétise souvent par des applications mobiles qui donnent à l'usager la vision de son déplacement d'un point A à un point B. Dans ces applications MAAS, les algorithmes sont au service de la politique de mobilité."
Toulon Provence Méditerranée : le choix du bus écologique
Au sein de la métropole Toulon Provence Méditerranée, l'heure est aussi la mobilité durable. En 2021-2022, l'AOM a mené une enquête mobilité selon la méthodologie du Cerema, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. Elle sera précieuse pour l'élaboration du plan de mobilité qui prendra la suite de l'actuel plan de déplacements urbains 2015-2025. En attendant, la métropole continue d'investir pour la mobilité. "Notre concession en transport est en cours de renouvellement, précise Laurent Lequilliec , chef du service Fonction coordination des achats à la métropole. Nos achats de bus hybrides permettent de limiter l'impact des déplacements sur l'environnement." Toulon Provence Méditerranée a elle aussi un projet de ligne de bus à haut niveau de service - qui doit voir le jour en 2024 - et un projet de ZFE en cours. "Dans ce segment d'achats très spécifique, c'est notre direction de la mobilité, prescripteur de besoins, qui gère la partie amont de l'achat et fait les cahiers des charges, précise Laurent Lequilliec. La direction de la commande publique intervient plus en termes de procédure. Nous passons souvent par la CATP, la centrale d'achat du transport public."
La mobilité urbaine est donc en pleine évolution. Et ce n'est pas fini. "Demain, nous pourrions voir se réaliser un scénario de mobilité où il n'y aurait quasiment plus de voitures individuelles dans les zones très peuplées des centres-villes, anticipe Carole Pezzali. Une ville avec plus de mobilités douces, de transports en commun, moins de livraisons, une gestion intelligente de la voirie pour privilégier le vélo ou les bus en fonction des heures, beaucoup moins de places de stationnement, des places de parkings mutualisées, une ville polycentrée au maximum où une bonne partie de la population peut trouver l'essentiel à proximité, des lieux de travail en commun..." La mobilité urbaine est sans aucun doute un sujet d'avenir.
"En 6 ans, notre métropole va consacrer 1,5 milliard d'euros aux mobilités."
Yannick Jacob, directeur des mobilités de Montpellier Méditerranée Métropole
"Notre métropole prépare actuellement un plan de mobilité qui révisera notre ancien plan de déplacements urbains. Nous allons réaliser la ligne 5 du tramway, tout en ouvrant 5 lignes de bus à haut niveau de service. Une autre priorité est le développement des infrastructures cyclables, pour se déplacer autrement et réduire la place de l'automobile. Cela s'accompagne de modifications circulatoires. Nous n'attendons pas l'adoption de ce plan de mobilité, prévue pour 2023, pour lancer d'importants marchés publics. La société d'économie mixte TaM (Transports de l'agglomération de Montpellier) a lancé l'appel d'offres des rames de tramway pour notre compte. Ce marché de 275 millions d'euros, qui concerne 77 rames, a été remporté par la société CAF. Aux rames s'ajoutent des travaux de plateforme, de voierie, le changement des rails et des travaux de maintenance. Nous allons également acheter 60 bus électriques, un marché d'environ 30 à 40 millions d'euros. L'un de nos autres marchés concerne la construction d'un dépôt pour maintenir les bus et les rames de tramway."