Jean-Lou Blachier : "J'ai conscience du poids de la responsabilité des acheteurs publics"
Publié par Propos recueillis par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
Jean-Lou Blachier a été nommé médiateur des marchés publics le 21 décembre 2012 par le président de la République. Son rôle?: sensibiliser les chefs d'entreprise à ces marchés et renouer le dialogue entre ces derniers et les acteurs de la commande publique. Il revient sur ses missions.
Quelle mission vous a confiée le président de la République, François Hollande ?
Ma mission consiste à sensibiliser les chefs d'entreprise à s'intéresser davantage aux marchés et aux commandes publics. Mon rôle est ainsi de favoriser l'accès des entreprises à la commande publique, ce qui est une promesse de campagne du président Hollande. Pour cela, j'incite les entreprises à candidater aux marchés publics avec davantage de méthodologie et à se repérer dans les " méandres " du code des marchés publics.
J'ai aussi un rôle de médiateur entre les acteurs publics et privés, en cas de difficultés. Il s'agit de renouer le contact entre les acheteurs et les chefs d'entreprise. C'est un travail de longue haleine car malheureusement, les chefs d'entreprises ont parfois une mauvaise image des acheteurs et vice-versa. Je constate qu'ils ne connaissent pas suffisamment.
Mon périmètre d'action est celui de l'Etat (Ministère) et des collectivités mais également les entreprises comme la SNCF, la RATP où l'Etat est actionnaire. . Et aujourd'hui, la commande publique et les marchés publics représentent près de 200 milliards d'euros.
Quelle est votre stratégie pour y parvenir ?
Je fais beaucoup de terrain. J'ai déjà à mon actif plus de 3000 rencontres. Je réunis les acheteurs publics, les chefs d'entreprises, les collectivités et les préfectures pour identifier les problématiques relatives à la commande publique et être force de proposition, tout ceci dans l'idée de créer du lien entre le secteur privé et le secteur public. Une façon pour eux de se rencontrer dans des conditions différentes et de comprendre les problématiques de chacun, bien souvent méconnues.
De plus, nous avons créé 7 groupes de travail de 17 à 25 personnes sur des thématiques comme les normes et la sécurité, l'innovation dans la santé, l'industrie textile, les TIC, le juridique, etc. Ces groupes se réunissent 5 fois dans l'année. Ils devront rendre leurs travaux avant l'été. Ils sont également construits de façon mixte, réunissant secteur public et chefs d'entreprises
Nous nous intéressons aux dispositifs et aux expériences réussies à l'étranger comme en Allemagne, Portugal, Suisse ou aux Etats-Unis.
Quels sont vos axes de travail ?
Grâce aux groupe de travail, nous allons remettre nos conclusions au ministre et soumettre des propositions d'amélioration.
De plus, nous cherchons à favoriser les groupements des PME et TPE pour répondre aux appels d'offres. Nous leur conseillons de se grouper pour optimiser leur chance de gagner. Du côté des acheteurs, nous les incitons à recourir à l'allotissement, qui favorise la candidature des petites et moyennes entreprises.
Nous publions vendredi 25 octobre, un premier guide fin octobre dernier intitulé " Chefs d'entreprises, osez la commande publique !" à destination des entreprises. En parallèle, nous publierons probablement à l'été 2014 un guide pour les acheteurs publics. Ainsi, pour que les acheteurs publics puissent aller vers les chefs d'entreprise, il faut leur donner des outils. Notre site www.mediation-des-marches-publics.fr est opérationnel depuis le 14 octobre.
Que vous apporte votre parcours de chef d'entreprise dans votre nouvelle fonction?
En tant que chef d'entreprise, j'ai une légitimité naturelle à parler aux chefs d'entreprise. Mon but est de créer un pont entre eux et les acteurs de la commande publique pour que ces deux mondes travaillent ensemble, afin de répondre au mieux aux besoins publics.
Avez-vous changé votre regard sur les acheteurs ?
Depuis ma prise de fonction, j'ai pris conscience à quel point le travail des acheteurs est stressant et responsabilisant. J'ai été saisi par leur travail remarquable et difficile. J'ai notamment découvert avec étonnement le poids de la responsabilité qui repose sur leurs épaules. Ainsi, les acheteurs publics sont jugés encore responsables 3 ans après la passation des marchés.
De plus, j'ai été étonné par la différence de traitement des acheteurs français et de leurs homologues européens sur le problème de la responsabilité pénale. Cette dernière est beaucoup plus forte en France. Je travaille actuellement sur ce point et étudie toute possibilité pour desserrer le col des acheteurs publics.
Moins d'un an après votre nomination, quel bilan faites-vous ?
Actuellement, nous avons eu près de 220 saisines auprès de la médiation dont 60% représentent des problèmes classiques d'exécution contractuelle. Environ 25% de sociétés sont en demande de conseils. Nous avons résolu près de 80% des demandes !
Avez-vous un rôle de lobbying à Bruxelles ?
[NDLR : un assouplissement des règles du code des marchés publics est en discussion à la commission européenne de Bruxelles]. Nous allons rencontrer Michel Barnier actuellement commissaire européen pour lui faire part de notre travail de sensibilisation auprès des acteurs publics et des chefs d'entreprise. Il faut aider les entreprises et leur ôter cette épée de Damoclès qu'ils ont au-dessus de la tête et aller vers un assouplissement du codes des marchés publics.
Vous travaillez aux côtés d'Arnaud Montebourg, avez-vous des directives pour faire des propositions afin de pouvoir favoriser des achats made in France ?
Je milite pour le talent français. Tout en prônant le Made in France, nous souhaitons soutenir les entreprises françaises à être plus présentes et plus proactives auprès des donneurs d'ordre publics. En un mot : l'économie locale doit être soutenue grâce aux marchés publics et grâce à nos entrepreneurs français.
Retrouvez l'intégralité de l'interview du médiateur des marchés publics dans DA 169 et son supplément Achats Publics.