[Marchés publics] : Comment les collectivités locales font face à l'urgence d'agir durablement ?
Publié par Denica Tacheva le | Mis à jour le
Intégrer des critères environnementaux dans les marchés publics est devenu un enjeu décisif pour répondre aux impératifs climatiques. La modernisation des achats publics passe inéluctablement par ce nouvel état d'esprit. Comment développer son exemplarité achats tout en s'assurant de recevoir des offres réalistes. Elements de réponses.
" La transition écologique va exiger des efforts... ce n'est pas confortable, mais c'est nécessaire. " Ces mots de Vincent Corneloup, avocat associé spécialiste en droit public ADAES Avocats du réseau de SMACL Assurances, résument l'enjeu auquel les collectivités locales doivent faire face. Avec les marchés publics comme levier principal, elles ont le pouvoir d'influencer durablement les pratiques environnementales. Mais pour y parvenir, il faudra dépasser les défis techniques et organisationnels, tout en intégrant des critères écologiques dans les processus d'achat.
La commande publique, moteur ou frein pour l'écologie ?
Avec un poids de 10 % dans le PIB français, la commande publique pourrait être un formidable levier pour accélérer la transition écologique. Autrement dit, si les critères environnementaux sont intégrés dans les appels d'offres, les collectivités locales peuvent insuffler un véritable changement. Il ne s'agit pas seulement d'acheter des produits ou services : c'est tout un écosystème économique qui peut être impacté.
Un exemple concret ? L'électrification des flottes municipales. En privilégiant des véhicules électriques ou hybrides, les communes réduisent leur empreinte carbone tout en stimulant le marché des énergies propres. Autre levier : l'usage de matériaux bas carbone dans les constructions publiques. Des écoles aux salles des fêtes, chaque projet peut devenir un modèle d'écoconception. Pourtant, ces bonnes pratiques restent marginales et montres des chiffres timides : en 2021, seulement 7 % des marchés publics contenaient des clauses environnementales.
Cette faible proportion s'explique en partie par un manque de sensibilisation et de formation. Les décideurs locaux, souvent pressés par les contraintes budgétaires et les délais administratifs, peinent à intégrer pleinement ces dimensions dans leurs appels d'offres. Vincent Corneloup insiste : " Il faut dépasser la logique d'achat au moindre coût pour envisager un coût global, qui inclut l'impact environnemental. "
Réglementations : opportunités et défis
La loi "Climat et Résilience" de 2021 a introduit des changements majeurs, notamment l'obligation, d'ici 2026, d'intégrer systématiquement des critères environnementaux dans les marchés publics. Ce calendrier impose aux collectivités une adaptation rapide, mais complexe. Définir le "cycle de vie" d'un produit ou rédiger des clauses écologiques efficaces exige une expertise que nombre de petites communes peinent à mobiliser. C'est une urgence d'investir dans la formation des agents publics et de simplifier l'accès aux outils existants.
De fait, certaines clauses environnementales dans les marchés publics, trop complexes ou trop contraignantes, peuvent décourager les entreprises candidates. Les collectivités se retrouvent alors dans une impasse : vouloir être exemplaires tout en s'assurant de recevoir des offres réalistes. Un équilibre difficile à atteindre.
Pour surmonter ces obstacles, plusieurs pistes sont envisagées. En premier lieu, un renforcement des contrôles pour vérifier l'application des clauses environnementales. Ensuite, la généralisation de sanctions pour les manquements et des primes pour encourager les initiatives exemplaires. À titre d'exemple, des pénalités pourraient être reversées à un fonds dédié au financement de projets écologiques. Enfin, des échéances comme celle du 21 août 2026, où les critères environnementaux devront obligatoirement figurer dans les marchés publics, marquent une étape décisive. À cette date, ne pas intégrer ces critères pourrait entraîner des sanctions, obligeant les collectivités à repenser leurs pratiques dès maintenant.
" Le 21 août 2026, c'est une révolution : l'environnement ne sera plus une option. C'est une obligation légale, mais aussi une opportunité pour transformer en profondeur nos modèles d'achat public. " dit encore le juriste. L'enjeu est de taille. Si les collectivités parviennent à surmonter ces défis, elles joueront un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique et inspireront d'autres acteurs à faire de même.
Repenser les besoins pour optimiser les ressources
L'intégration des enjeux écologiques dans les marchés publics ne consiste pas uniquement à mieux acheter : il s'agit aussi de questionner l'acte d'achat lui-même. La définition des besoins devient alors une étape clé. Est-il vraiment nécessaire d'acquérir un nouveau bien ? Existe-t-il une alternative plus durable ? Mutualiser les ressources, comme des véhicules municipaux, ou encourager des alternatives comme les transports en commun, permet de réduire l'impact écologique tout en maîtrisant les coûts. Une telle approche, qui inclut l'analyse du cycle de vie des produits, exige une véritable transformation des pratiques. Mais cette démarche progressive est la clé pour faire des collectivités locales des modèles de durabilité.
Quand on change de paradigme cela repose également sur une meilleure compréhension du cycle de vie des produits. Mais ces choix demandent une expertise technique voire des savoir-faire technologiques voire de l'ingénierie que de nombreuses petites communes peinent à mobiliser. La question du bon échelon pour le mode d'intervention idoine se pose.