Agences de voyages : les acheteurs réclament plus de transparence
Egencia et 3mundi se sont livrés à l'exercice périlleux de la transparence en participant à une rencontre avec des acheteurs et travel managers organisée par GBTA France. Le débat, animé, a porté sur le modèle économique qui régit l'écosystème des agences de voyages.
Je m'abonneLes acheteurs connaissent-ils bien le modèle économique qui régit l'écosystème des agences de voyages? C'est pour tenter de répondre à cette question que l'association GBTA a organisé, la semaine dernière, une rencontre avec des acheteurs et travels managers ainsi que deux poids lourds du secteur, Egencia, représenté par Jérôme Fouque (directeur général), et 3mundi, représenté par Jordy Staelen (cofondateur et directeur général).
"Pas de langue de bois" était le mot d'ordre du jour, lancé par Yann Barbizet, CEO du cabinet de conseil Concomitance, qui animait les débats. Autant dire que dans ce secteur qui n'affectionne pas particulièrement le mot "transparence", où l'on parle souvent de tickets d'entrées ou de commissions, les échanges s'annonçaient épicés. Amadeus, autre poids lourd du secteur sollicité dans le cadre de cette rencontre, a décliné l'invitation, a indiqué Carole Poillerat, présidente de GBTA France.
1 - Radioscopie d'une TMC
Quels sont les principaux coûts d'exploitation d'une TMC (travel management compagnies) ? Ces coûts se décomposent en quatre grands postes : la gestion de l'agence (10/15%), les services (30/60%), le développement de technologies (20/30%) et de 15 à 20% pour le "cost of sales". Face à ce constat, Yann Barbizet a souligné une tendance : les gains de productivité des agences sont généralement moins importants que la baisse des frais de transaction (transaction fees).
Selon le directeur général d'Egencia, Jérôme Fouque, "les fees ne couvrent pas les frais d'une agence, nous n'avons donc pas d'autre solution que de trouver de nouveaux relais de croissance : miles, hôtellerie, consulting, etc." Ces relais représentent aujourd'hui environ 50% des revenus des TMC (les 50% restants venant des transactions fees).
Pour Jordy Staelen, à la tête de l'agence 3mundi, "le niveau d'exigence de la part de nos clients a augmenté, ce qui est une bonne chose mais nous impose une équation quasiment impossible à résoudre, à savoir, proposer à la fois une bonne qualité de service, de nouveaux services tout en continuant chaque année à valoriser le salaires de nos meilleurs éléments, cela sans hausse des tarifs pour nos clients."
Côté acheteurs, Corinne Melka, Director Travel & Meeting pour Estee Lauder compagnies Europe, a constaté que les transactions fees n'ont, au contraire, pas beaucoup baissé et que le niveau de service en agence n'est, quant à lui, pas toujours au rendez-vous. "L'offre de conseil n'est pas assez valorisée dans les agences", a-t-elle souligné.
2 - Place de la TMC dans la matrice travel
GBTA a projeté à l'assemblée un schéma mettant en lumière les différents flux financiers qui transitent entre fournisseurs (compagnies aériennes et low cost, services, hôtels, rail, loueurs voitures,...), canaux de distribution (TMC, GDS, agrégateurs, sites enseignes, OTA) et entreprises clientes (outil de validation, SBT, outils notes de frais,solution de paiement, entreprise/politique voyage, assistance voyageur, etc.) Le constat, pointé par Yann Barbizet, " la TMC n'est plus au coeur du dispositif".
Autre constat : la complexité de cette matrice pour l'acheteur ou le travel manager. "Aujourd'hui ce qu'il nous manque beaucoup, c'est de la transparence", a d'ailleurs lancé, tel un pavé dans la marre, Anne Madec, Group Category Manager Travel, GDF-Suez.
3 - Plus de transparence pour plus de confiance
Comment restaurer cette confiance ? L'acheteur doit bien appréhender et comprendre toute la chaîne de valeur (où va l'argent qu'il verse lorsqu'il achète un billet d'avion par exemple ?). Un travail qui doit passer par un dialogue "franc et direct" avec les fournisseurs car les acheteurs veulent aujourd'hui savoir exactement ce qu'ils achètent et à qui ils achètent et ainsi avoir une visibilité à la fois sur les coûts liés à l'intermédiation de l'agence et sur les outils en ligne.
Le flou actuel et le manque de visibilité complexifient le travail des entreprises au quotidien et rend la mesure du TCO complexe pour l'acheteur. "Le choix est devenu très difficile, a estimé Corinne Melka (Estée Lauder). On est obligé de tenir compte de toute la structure de coûts, ce qui est complexe, avant de choisir et même avant de lancer un appel d'offres. D'ajouter que "cette complexité est souvent mal voire pas du tout perçue par les CFO: ils ne comprennent pas la complexité du travel et, en tant qu'acheteurs, nous devons parfois les éduquer".
Pour Jérôme Fouque (Egencia), "la maturité des acheteurs varie beaucoup, que ce soit en acquisition ou en renouvellement. Mais ce qu'il ne faut pas oublier et ce qui compte c'est l'expérience utilisateur et la satisfaction du client final". Et, très étonnant, si les TMC investissent pour développer des outils très perfectionnés pour mesurer la satisfaction de leurs clients, côté satisfaction du client final, à savoir le voyageur d'affaires, les entreprises ne semblent pas avoir mis en place de process pour questionner et "incentiver" les acheteurs.
4 - Ce que recherchent les entreprises
GBTA a distingué trois grandes catégories d'entreprises :
1 - Les "délégants" (30% du marché), qui confient leur budget à une seule agence. Leurs attentes sont fortes, tant en matière de qualité de services que dans la démonstration de la performance économique de l'offre proposée ainsi que dans la prise en charge de bout en bout.
2 - Les "autonomes" (30% du marché), qui confient leur budget majoritairement à une TMC. Elles attendent une bonne qualité de services, un contrôle des coûts (best buy). Pour ces entreprises, la TMC est un prestataire comme un autre.
3 - Les pragmatiques (40% du marché) qui confient leur budget à plusieurs agences. Leurs attentes sont fortes en termes de qualité des services mais faibles en matière d'accompagnement.
5 - Vers la disparition des frontières entre usages privés et professionnels
Mais la plus grande révolution qui bouleverse actuellement le secteur concerne la propagation des outils personnels dans la sphère professionnelle. Si parler du BYOD (Bring your own device) aujourd'hui ne relève plus du scoop, ce phénomène et ce qu'il implique impacte en revanche très fortement les entreprises. "Si un voyageur utilise, dans sa sphère personnelle, un service de VTC, un site de covoiturage ou de location de maison, il demandera les mêmes usages dans son entreprise." Le modèle économique des TMC est donc voué à évoluer pour coller encore plus aux besoins des voyageurs d'aujourd'hui.