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Le "make or buy" est au service de la stratégie du groupe

Publié par Geoffroy Framery le | Mis à jour le

Revoir sa copie, sa supply chain, ses engagements RSE, tout en demeurant profitable malgré l'inflation. Adapter ses modèles d'affaires et en créer de nouveaux dans les nouveaux marchés. Autant de défis que relèvent les achats du Groupe Accor dont Caroline Tissot, la chef d'orchestre nous décrypte les coulisses, qu'il s'agisse de la centrale de référencement en tant que relai de croissance ou de sa digital factory qui échaffaude le prochain Amazon de l'hospitality.

Pouvez-vous me présenter votre département achats, ses missions et ses spécificités ?

Les missions de notre département achats ne sont pas celles d'un département achats classique. Deux grandes missions lui incombent, avec d'une part, l'accompagnement des sièges Accor pour la gestion de leurs achats - en particulier IT, marketing, communication, etc. Et d'autre part - notre mission principale - le référencement de produits et services couvrant les besoins de l'hôtellerie restauration et mis à disposition d'établissements, Accor ou "non-Accor". Partout dans le monde, nos équipes "sourcent" et négocient des solutions auprès de plus de 5000 fournisseurs partenaires, permettant à nos clients de fonctionner quotidiennement, de lancer des travaux de rénovation, etc.

Comment vous-êtes vous "staffé" pour assumer ces missions ?

230 personnes travaillent aux achats dans plus de 20 bureaux à travers le monde, et sont, pour la majorité, dédiées à notre mission de centrale de référencement. Si l'ancrage local est très fort, des équipes au niveau central adressent des enjeux communs à l'ensemble du département comme le contrôle de la qualité de notre offre, le développement d'outils achats digitaux, la négociation de contrats internationaux, la communication, etc.

Quelles qualités attendez-vous des talents que vous recrutez ?

Nous avons besoin d'attirer des talents digitaux ou du moins des profils cultivant une appétence à utiliser de nouveaux outils et à les faire évoluer à l'aune des besoins de nos partenaires. La sensibilité au développement durable est également essentielle, les achats devenant un contributeur crucial de la transition écologique et nécessitant des profils engagés dans la transformation de nos modèles. Nous recherchons également des profils agiles : les crises sanitaires, géopolitiques, climatiques, testent continuellement la résilience et la durabilité de notre offre.

Quelle est votre stratégie pour que votre centrale soit un "must have" auprès de votre réseau ?

Effectivement, les 5300 hôtels du réseau Accor ne sont pas obligés de passer par notre centrale. Il importe donc d'animer cette centrale dans une double optique de conviction auprès de notre réseau et de dynamisme commercial. Pour la conviction, la stratégie est simple : avoir la meilleure offre et le meilleur accompagnement possibles. La "meilleure offre", cela signifie une offre compétitive, bien sûr, mais aussi une offre pertinente, répondant aux besoins spécifiques de nos clients, une offre rassurante grâce aux contrôles réguliers de nos fournisseurs, une offre durable intégrant des critères environnementaux poussés. Le "meilleur accompagnement" consiste en la disponibilité de nos équipes pour nos clients : pour comprendre leurs besoins, adapter nos offres à leurs spécificités, assister les hôtels en temps de crise, etc. Nous devons également, bien sûr, nous faire connaître. Dans des marchés plus jeunes, où nous sommes particulièrement en concurrence avec d'autres centrales, nous investissons sur des binômes acheteur(se) / chargé(e) de relations clients.

Sur quoi repose votre stratégie achats ?

Plusieurs piliers définissent notre stratégie. L'un des plus importants est le pilier RH (appelé Talent & Culture - T&C - chez Accor). La rétention, la fidélisation des talents est un enjeu fort. Les acheteurs sont chassés, d'autant plus en période de crise, avec des compétences qui ne sont pas propres à notre secteur... Il importe donc de donner du sens à leur mission, ce qui passe notamment par notre second pilier, celui de la participation des achats à la stratégie ESG du Groupe, qui connaît une accélération folle depuis 18-24 mois. Nous avons un rôle crucial à jouer, que ce soit pour la suppression du plastique à usage unique dans les hôtels, la réduction des émissions carbones des hôtels et des fournisseurs, le respect de la biodiversité, etc. Ces chantiers sont colossaux lorsque l'on songe par exemple à l'ensemble des amenities et produits à base de plastiques consommés au quotidien dans notre réseau. Le troisième pilier est la conquête de nouveaux clients, Accor ou non Accor. Sur fond, toujours, de modernisation continuelle de nos outils digitaux.

Comment cela se traduit-il sur le sujet de la supply chain ?

La transformation de la supply chain est extrêmement fondamentale pour diminuer notre impact environnemental et améliorer notre résilience face aux crises géopolitique et climatique. Nos logiques de sourcing ont évolué. Par exemple, nous ne "sourçons" plus un produit dans un pays pour l'ensemble de notre réseau. Nous évitons de massifier l'offre sur quelques fournisseurs. A l'inverse, nous cherchons à sourcer plus local, auprès d'un plus grand nombre de fournisseurs, ayant des sites de production plus proches de nos clients.

Finalement est-ce que cette nouvelle manière de faire n'a-t-elle pas créé de nouvelles opportunités ?

Bien sûr. L'offre est plus adaptée à chaque marché régional et répond mieux aux attentes de nos clients. Nous améliorons ainsi notre taux de capture auprès des clients existants, et convainquons plus d'établissements de passer par nos services.

Comment Accor réagit-il face à l'inflation ?

Au niveau du département achats, les équipes ont depuis quelques mois intégré la gestion de l'inflation à leur quotidien pour contenir au maximum les augmentations de prix pour nos clients. Intellectuellement, ce sujet est particulièrement stimulant, et formateur. Il nécessite une connaissance fine de produits et services, une surveillance régulière des marchés, une analyse des achats sensibles.... Il nous pousse également à innover, en collaboration avec les propriétaires d'hôtels et les fournisseurs, par exemple : peut-on revoir le design de tel produit ? changer de site de production pour tel autre ?

La décarbonation, les achats durables et la RSE sont un enjeu brûlant pour les achats. Comment cela se concrétise-t-il chez vous ?

Les engagements d'Accor sont ambitieux : réduire de 46% nos émissions d'ici à 2030 et atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, supprimer les objets en plastique à usage unique d'ici la fin de l'année. Opérationnellement pour le département achats cela se traduit par une évolution de notre offre, de nos contrôles et de nos outils. Au niveau de l'offre, au-delà de l'évolution des spécifications de nos produits et services pour l'intégration de critères durables, nous devons référencer de nouvelles solutions, pousser les fournisseurs à l'innovation : Comment remplacer les bouteilles d'eau en plastique ? Comment transformer la sous-traitance du nettoyage des chambres pour la rendre plus responsable ? Comment accompagner les hôtels pour la réduction de leur consommation d'énergie ? Au niveau de nos contrôles, nos exigences vis-à-vis de nos fournisseurs sont de plus en plus poussées, intégrant désormais, par exemple, la mesure de leurs émissions carbone. En termes d'outils, nous devons adapter nos plateforme e-commerce pour mettre en avant les alternatives durables, locales, de saison, etc.

Comment innovez-vous sur la partie achats en parallèle de tous ces sujets ?

Une équipe digitale est en charge du développement de nouveaux outils et process achats digitaux. Leur principal objectif est le développement et le déploiement d'une place de marché permettant à nos clients d'acheter sur une même plateforme l'ensemble des services et produits nécessaires à leurs opérations., De nombreux outils associés de gestion d'inventaire, d'e-invoicing entre autres, sont en train d'être déployés.

Comment voyez-vous la profession évoluer ?

Cela fait 29 ans que j'évolue au sein des achats. La fonction, je le vois, devient de plus en plus stratégique pour les entreprises et considérée comme créatrice de valeur - quand elle a trop longtemps été synonyme de cost killing. Les acheteurs sont perçus comme de réels "business partners" par l'ensemble de nos clients internes et associés bien plus en amont qu'auparavant aux différents projets du groupe., Cela repose avant tout sur la qualité des profils. Si l'acheteur a une bonne connaissance des commodités associée à une bonne orientation business, l'opérationnel le considérera comme un réel facilitateur.

Finalement, y a-t-il une direction avec laquelle vous êtes intimement liés ?

Nous travaillons main dans la main avec l'ensemble des autres directions. Mais nous sommes particulièrement proches de la sustainability, du marketing, des opérations, du développement et de la direction technique. Les achats sont considérés comme un atout dans la proposition de valeur d'Accor aux propriétaires, et comme un apporteur de solutions pour la réalisation des projets des différents départements.

Quels sont vos futurs grands projets ?

La direction RSE est un grand donneur d'ordre chez nous. Nous nous mobilisons dès à présent sur des sujets de biodiversité, de recyclage et d'économie circulaire. Cette incontournable transition en faveur d'une stratégie RSE engagée est un vrai tournant pour les achats, elle rebat les cartes sur la manière de faire notre métier tout en donnant du sens au travail de nos équipes.

Quelle est votre actualité plus précisément en termes d'achats inclusifs ?

Pour la toute première fois en France et à l'initiative du Collectif d'entreprises pour une économie plus inclusive dont Accor fait partie, nous avons tenu pour la toute première fois le premier forum des achats inclusifs au sein de la tour Sequana, le siège de Accor à Issy-les-Moulineaux. Trois objectifs étaient poursuivis : fédérer les différentes parties prenantes, mettre en lumière les enjeux des achats inclusifs et découvrir des fournisseurs inclusifs recommandés et qualifiés. Ce forum a rassemblé plus des deux tiers des entreprises membres du Collectif (plus de 25 entreprises étaient représentées) et 50 fournisseurs inclusifs. Au total, plus de 350 participants ont réfléchi aux moyens d'organiser la montée en puissance des achats inclusifs au sein des 35 grandes entreprises membres du Collectif représentant, ensemble, une capacité d'achats annuels supérieure à 100 milliards d'euros en France. L'événement a ainsi permis de mettre en lumière les meilleures pratiques et d'établir un référentiel de « partenaires inclusifs », c'est-à-dire des partenaires qui prennent en compte des territoires, des groupes de personnes et des entreprises souffrant d'un déficit d'accès, d'un déficit de visibilité ou d'un déficit de moyens d'insertion dans le tissu économique et social.


Quelques chiffres sur la centrale de référencement :

  • Plus de 5000 fournisseurs partenaires
  • Caroline Tissot - CPO Groupe Accor


    "Bio"

    Diplômée de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris et d'un Master de l'université Paris Dauphine, Caroline Tissot démarre sa carrière en 1995 en tant que consultante chez Deloitte France.

    En 2003, elle rejoint le siège européen de General Electric à Bruxelles où elle acquiert son expertise dans le secteur des Achats pendant presque dix ans et une solide expérience internationale.

    En 2012, elle est nommée Directrice des Achats de Bouygues Telecom.

    En septembre 2016, Caroline Tissot prend la responsabilité des Achats du Groupe Accor. Elle développe la Centrale d'Achat du Groupe qui fournit à ses 5300 hôtels l'ensemble des produits et services qui leur permettent de se construire, de se rénover et de vivre au jour le jour, dans les 95 pays où Accor est présent dans le monde. Elle est membre de l'Extended Comex d'Accor.