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Défaillances d'entreprises, un triste record à interpréter finement

Publié par Geoffroy Framery le | Mis à jour le

Point sur les défaillances d'entreprises avec les éclairages de Christophe Callet, associé chez RSM, spécialiste de la reprise et de la restructuration d'entreprise.

Les entreprises françaises font face à une vague sans précédent de défaillances. Selon Christophe Callet, associé chez RSM, plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer ce phénomène : l'inflation, la hausse des taux d'intérêt, les difficultés sectorielles et finalement un effet de rattrapage biaisé par des entreprises sous perfusion désormais incapables de rembourser leur PGE. Avec 66 000 procédures enregistrées en 2024, contre 28 000 lors la crise sanitaire, le constat est alarmant, d'autant que cette fois-ci la taille des entreprises et l'effet domino qui en découle pourraient engendrer un effet social.

Le rôle de l'inflation et de la hausse des taux d'intérêt

Sans surprise, l'inflation galopante via la flambée des coûts des matières premières et de l'énergie a un impact lourd sur la rentabilité. « Les entreprises à faibles marges sont les premières touchées, car elles peinent à répercuter ces hausses à leurs clients », explique Christophe Callet. Par ailleurs, la hausse rapide des taux d'intérêt, passés de 0,1 % à près de 5 % en quelques années, a en parallèle rendu les conditions de financement et de refinancement beaucoup plus contraignantes.

Cette conjonction a entraîné ce que Mr. Callet appelle un « effet ciseau » : des charges fixes qui augmentent au moment où les revenus stagnent voire diminuent et une augmentation de l'endettement lié notamment aux PGE souscrits qu'il faut rembourser. Ce phénomène touche tous les secteurs, mais avec des intensités variables.

De nouveaux signaux à surveiller ?

L'industrie et les services souffrent. Le BTP est particulièrement affecté. Ce secteur, dominé par des TPE et PME aux structures fragiles, subit de plein fouet la hausse des coûts et le ralentissement des activités. En parallèle, l'immobilier (notamment la promotion) est en crise. Christophe Callet souligne que « les difficultés de financement, la réduction du nombre d'acquéreurs et le report des décisions d'investissement pèsent lourdement sur les entreprises de ce secteur ». D'autres signaux précurseurs de défaillance sont observables. Et ici, la proactivité des directions achats peuvent agir en pommade notamment sur les délais de paiement qui fragilisent les relations clients-fournisseurs. Autre aspect à souligner, l'endettement excessif est un vrai sujet en 2025: les sociétés ayant massivement souscrit au Prêt Garanti par l'État (PGE) pendant la crise sanitaire souffrent aujourd'hui pour rembourser des dettes accumulées. Plus classiquement, les 66000 procédures collectives sont aussi la conséquence de résultats déficitaires et d'une rentabilité insuffisante pour couvrir leurs obligations financières.

Le poids du PGE et ses conséquences

Initialement conçu pour aider les entreprises à passer la crise, le PGE a joué un rôle ambigu. « Certaines entreprises déjà fragiles ont été maintenues artificiellement en vie grâce à ces aides, mais leur situation était insoutenable sur le long terme », explique Christophe Callet. Aujourd'hui, ces entreprises peinent à régler leurs dettes, même après avoir bénéficié de plans de redressement qui permettent notamment d'étaler les remboursements jusqu'à 10 ans. En parallèle, même si le phénomène est difficilement quantifiable, certaines entreprises opportunistes ont utilisé les PGE à des fins de croissance externe, mais ces initiatives se sont parfois retournées contre elles dans un contexte économique dégradé.

Des entreprises plus grandes touchées, tendance qui augure d'un risque d'effet domino

Avant 2020, 90 % des entreprises en procédure collective réalisaient moins de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires. Aujourd'hui, cette tendance s'élargit aux ETI et aux grandes PME. Christophe Callet alerte sur les risques sociaux : « L'impact sur l'emploi pourrait être considérable dans les mois à venir, notamment en raison de la taille des groupes concernés par ces difficultés. » L'effet domino est également préoccupant : une entreprise en difficulté entraîne souvent ses partenaires économiques dans la crise, exacerbant ainsi les problèmes. La vague de défaillances que connaissent les entreprises françaises n'est pas qu'un phénomène conjoncturel : elle révèle des fragilités structurelles amplifiées par des crises successives. Comme le souligne Christophe Callet, « il est essentiel de repenser les modèles économiques et les outils de soutien pour préparer les entreprises à des conditions de marché plus volatiles ».


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