[Juridique] Quels sort pour vos contrats post Covid-19?
Publié par Gérard Picovschi, avocat Selas Avocats Picovschi le - mis à jour à
L'heure n'est pas à la rigidité et il est fortement conseillé d'éviter d'adopter un comportement qui aurait trop vite fait d'être qualifié de rupture brutale des relations commerciales établies.
Limiter les dégâts causés par la crise sanitaire est un défi de taille. Du retard des fournisseurs aux difficultés de paiement, le passage du Covid fait émerger de nouveaux défis et teste la capacité des directeurs achats à amortir le choc et à trouver des solutions créatives dans un contexte d'urgence. Comment adapter les contrats au monde d'après ? Quelles mesures préventives prendre pour se prémunir contre les crises à venir ?
Le nécessaire réaménagement des contrats
La pandémie a souligné la nécessité de réaménager les contrats. Il sera à l'avenir certain que les contrats en cours de négociation et à venir contiendront une clause de force majeure qualifiant explicitement les pandémies et leurs conséquences comme des événements de force majeure, permettant ainsi à la partie défaillante de suspendre ses obligations pendant la durée de l'événement, voire de résoudre le contrat dans l'hypothèse d'un empêchement définitif. À titre de rappel, la force majeure, prévue à l'article 1218 du Code civil, est constituée à la réunion de trois critères :
- l'extériorité de l'événement, qui échappe au contrôle de l'entreprise ;
- l'imprévisibilité de l'événement, qui s'analyse au vu de la date de conclusion du contrat ;
- l'insurmontabilité, à savoir la capacité de l'entreprise concernée à limiter les effets de l'événement perturbateur.
Des clauses d'imprévision devraient également faire leur apparition, offrant à la partie défaillante une faculté de renégociation des termes du contrat, selon les termes de l'article 1195 du Code civil, et ce afin de réduire l'impact financier de l'empêchement. L'imprévision a lieu lorsque l'économie du contrat se trouve bouleversée par des événements imprévisibles et extérieurs, mais allant au-delà du simple aléa économique. La partie victime d'imprévision doit cependant continuer à exécuter ses obligations lors de la renégociation, faute de quoi le contrat peut s'en trouver résolu.
Il sera alors nécessaire d'agir avec prudence dans la rédaction de telles clauses. En effet, en cas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ou faute de réciprocité, l'article L. 442-1 du Code de commerce permet d'obtenir que ces clauses soient réputées non-écrites.
On devrait voir dans un futur proche le développement d'un contentieux d'affaire portant sur les comportements agressifs des parties durant la pandémie de Covid-19. L'heure n'est pas à la rigidité et il est fortement conseillé d'éviter d'adopter un comportement qui aurait trop vite fait d'être qualifié de rupture brutale des relations commerciales établies. Cherchez donc avant tout à établir un dialogue de bonne foi avec vos fournisseurs en recherchant la continuation et/ou la reprise de vos relations d'affaires. En conséquence, n'hésitez pas à accorder des prolongations en matière de délais d'exécution, et cherchez conjointement à identifier les mesures permettant la poursuite du contrat plutôt que d'adopter une attitude litigieuse.
Changement de fournisseurs : attention à la prolongation des facultés de résiliation
Une étude du mois d'avril 2020 menée par le cabinet Sia Partners conclut que les principales préoccupations de la direction des achats post-Covid serait à la fois de s'affranchir de la dépendance à l'Inde et à l'Asie en choisissant de privilégier le Made in France. 25% des entreprises envisageraient ainsi de relocaliser une partie de leurs achats dans l'Hexagone.
On notera à cet égard que l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 offre un délai supplémentaire aux parties dont le délai d'opposition ou de résiliation de leur contrat a expiré. Ainsi lorsqu'une convention limite à une période déterminée la résiliation ou l'opposition à un contrat en cours, les parties disposent désormais de deux mois supplémentaires après la fin de la période protégée pour y procéder. Une opportunité à ne pas négliger pour le passage éventuel au Made in France.
Par Gérard Picovschi, avocat Selas Avocats Picovschi
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