[Point de vue] Devez-vous envisager des stratégies de relocalisations des achats ?
Publié par Gérard Picovschi, avocat Selas Avocats Picovschi le - mis à jour à
La solution serait peut-être de parier sur une politique de localisation de la valeur future, c'est-à-dire de se positionner sur les segments créateurs de valeur dans l'économie contemporaine.
Gérard Picovshi réagit ici aux résultats de l'étude l'étude AgileBuyer/CNA, sur les "Tendances et priorités des Départements Achats" pour 2021 et donne son point de vue sur la relocalisation
La pandémie de Covid-19 a remis au goût du jour la question de la souveraineté économique. Lors du pic de la pandémie, l'insuffisance de l'offre française face à une demande démultipliée de produits et d'équipements de production médicale a déclenché certaines pénuries. La crise aura donc mis en évidence la vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement à bas coût et lointaines. Elle remet en cause beaucoup de principes bien établis qui nous obligent à refonder nos priorités et imaginer des solutions innovantes et, bien entendu, durables. Dès lors, la proximité et la réactivité deviennent des enjeux essentiels dans la gestion des risques en cas de crise. Un glissement est en train d'opérer en France sur le périmètre de certaines activités jugées stratégiques. Après la crise, il se pourrait donc que l'intérêt du made in France se confirme.
D'après l'étude AgileBuyer/CNA, les avantages les plus évoqués d'une relocalisation sont la sécurisation de la supply chain et le caractère positif de l'impact sur l'environnement. Pour comparer, en 2020, seules 16% des directions d'achat évoquaient la relocalisation, alors qu'en 2021, 30% l'évoquent. Depuis quelques temps, on constate une prise de conscience de la part des entreprises et du grand public sur la nécessité de réduire leur empreinte environnementale. En effet, les Français se sentent de plus en plus concernés par l'impact écologique de leurs consommations, et sont prêts à revoir leurs copies. Les directions des achats doivent donc s'adapter à cette tendance et répondre à la demande client.
C'est notamment le cas dans le secteur de la mode et du luxe et de la consommation - distribution. Pour ces secteurs, il existe des précédents de politique d'achats à bas coûts qui n'ont eu pour seule conséquence que de nuire à l'image de l'entreprise.
D'ailleurs, cette volonté de relocalisation est largement soutenue par le gouvernement dans cinq secteurs stratégiques : la santé, l'agro-alimentaire, l'électronique, les intrants essentiels et la 5G. Le gouvernement, dans le cadre du plan "France Relance", a établi une enveloppe de 720 millions d'euros qui sera consacrée à cette opération de relocalisation de "maillons manquants des chaînes de productions stratégiques" et au renforcement de capacités de production nationales.
Bien qu'étant une préoccupation des entreprises, le made in France n'est pas encore la priorité de tous. Effectivement, la volonté d'acheter à bas coût n'a pas disparu, surtout dans les secteurs en crise. On peut ainsi constater que le secteur aéronautique ou encore le secteur de l'automobile ont affirmé souhaiter continuer à acheter davantage dans ces pays-là.
D'autre part, les entreprises envisagent plusieurs possibilités et visualisent l'avenir différemment. Certaines entreprises souhaitent établir un double sourcing. Ainsi, les entreprises se rapprocheraient de deux fournisseurs différents pour une même matière ou un même service. Cette méthode permettrait, à terme, de réduire les risques d'approvisionnement, tout en laissant aux directions des achats des leviers de négociation et de pilotage.
Néanmoins, les relocalisations industrielles ne semblent pas être la solution à tout et doivent être cantonnées à des cas particuliers. Un Etat ne peut être auto-suffisant, relocaliser certains secteurs pourrait s'avérer coûteux, voire impossible dans certains cas.
La solution serait peut-être de parier sur une politique de localisation de la valeur future, c'est-à-dire de se positionner sur les segments créateurs de valeur dans l'économie contemporaine.
Cette approche apparaît pertinente sur deux aspects : d'un point de vue économique, ces activités d'avenir généreront les emplois et profits de demain ; d'un point de vue stratégique, dans la mesure où ces activités détermineront les rapports de force sur la sphère internationale.
Gérard Picovschi, avocat Selas Avocats Picovschi
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