Murielle Le Troquer, Jacquet-Brossard : "Mon objectif : mettre en place des achats créateurs de valeur"
Publié par Charles Cohen le | Mis à jour le
Une approche orientée long terme pour des résultats durables aux antipodes du cost killing: tel est le fondement de la politique achats de Jacquet-Brossard, orchestrée par Murielle Le Trocquer.
En trois ans à peine, vous avez doté Jacquet-Brossard d'une politique achats plutôt mature. Comment avez-vous relevé ce challenge ?
Avant d'occuper le poste de directrice achats de la structure en 2011, année de la fusion de Jacquet et Brossard, je dirigeais les achats de Brossard. J'ai ainsi pu m'appuyer sur mon expérience des achats pour mettre en oeuvre une politique en totale adéquation avec la stratégie générale de Jacquet-Brossard. Une année entière a été nécessaire pour bâtir un modèle performant avec la réalisation, en amont, d'un état des lieux, et le recrutement de nouvelles compétences. Un travail de longue haleine qui porte largement ses fruits aujourd'hui. Nous gérons 100 % des achats directs, qui représentent une part très importante de notre valeur ajoutée, parmi lesquels les matières premières ou les emballages. Et si notre taux de couverture est moindre, à date, sur les achats indirects - de l'ordre de 25 % (intérim, parc auto..) - notre ambition est d'accélérer nettement le pas à court terme.
Comment se structure votre stratégie achats ?
Elle intervient en soutien des orientations stratégiques de Jacquet-Brossard. Il s'agit d'adopter une politique de marque propre à valoriser les produits du groupe, aussi bien en France qu'à l'international, tout en garantissant une croissance rentable. Mon travail consiste à identifier des sources de gains et d'innovation chez les fournisseurs afin de renforcer le business sur nos produits "maison", mais aussi sur de nouveaux segments de marché via l'outsourcing. Ce qui suppose de bien connaître les besoins de nos opérationnels ! D'où l'organisation de réunions régulières avec nos clients internes, afin que les acheteurs puissent aller chercher des solutions innovantes en adéquation avec leurs besoins.
Plus encore, nous avons structuré et développé des partenariats privilégiés avec nos fournisseurs "coeur de panel" afin de les intégrer en amont, à la conception des produits, et de faciliter leur collaboration avec nos équipes R&D. Pour pérenniser une telle collaboration, nous avons instauré l'année dernière des "Innovation Days" auxquels participent les partenaires les plus stratégiques de chacune de nos 21 familles d'achats, ainsi que nos services innovation et marketing.
Quid de votre approche en matière d'optimisation des coûts ?
Elle constitue l'autre volet de notre stratégie achats. Et pour cause : si l'intégration de l'innovation fournisseurs est essentielle pour développer nos marques, encore faut-il garantir la rentabilité d'une telle démarche. Notre priorité est donc de sourcer l'innovation au meilleur coût à travers une approche TCO permettant de sécuriser nos budgets.
Pour lui donner du poids, j'ai privilégié la transversalité par le biais de "PAC One", pour Plan d'Amélioration Continue, visant un objectif précis : le déploiement d'une stratégie d'optimisation multimétier impliquant tous les services de l'entreprise. La rationalisation des dépenses de Jacquet-Brossard ne peut être menée par les achats seuls.
D'ailleurs, en tant que membre du codir, j'ai été largement soutenue par la direction générale dans la mise en oeuvre d'un tel programme. Ainsi, plusieurs thématiques d'optimisation ont été définies ("PAC One Emballage", "PAC One commerce", etc.), puis confiées à des groupes de travail transverses. Chacun, sponsorisé par un membre du codir, travaille en mode projet afin de dégager des pistes d'optimisation.
Preuve du succès d'une telle démarche : nous avons pu réaliser sur certains segments, comme les emballages, 3 % de gains en 2013. Mais notre objectif ne se limite pas à l'analyse de nos coûts, il s'agit bien de travailler sur la réorganisation des process à la source pour gagner en efficience.
Autant d'actions qui démontrent la reconnaissance de votre service en interne...
Ma présence au Codir permet au service achats d'être impliqué à 100 % dans les orientations stratégiques de Jacquet-Brossard. De notre activité dépend 40 à 50 % de la valeur ajoutée de l'entreprise. Notre action est d'autant plus essentielle qu'elle porte également sur la gestion des risques, notamment en termes de volatilité des matières premières. J'ai pour mission de limiter l'impact d'une telle fluctuation sur notre politique de marque et de maintenir nos niveaux de marges et nos investissements publicitaires. En ce sens, nous sommes très attentifs au développement de filières, une des réponses-clés face à l'instabilité des marchés de matières premières et qui s'inscrit dans notre politique RSE.
Justement, quelle est votre démarche en matière d'achats responsables ?
Elle est en cours d'implémentation, car Jacquet-Brossard adopte une politique RSE volontariste. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur l'expertise d'un cabinet d'audit, qui a passé l'existant au crible. Au final, le bilan est loin d'être médiocre. Nous développions déjà des relations transparentes et pérennes avec nos fournisseurs stratégiques, et menions des actions concrètes en matière de RSE. Un exemple : la mise au point d'emballages éco-conçus, à l'instar de nos pochons Mini Savane, dont le taux d'encrage est réduit de 40 %. L'objectif est de développer davantage ces initiatives pour gagner en performance économique, sociale et sociétale.
Quels sont vos autres principaux chantiers ?
Le prochain grand projet est l'intégration, à notre scope, des achats indirects, pour l'heure aux mains des opérationnels. L'idée n'étant pas de nous imposer auprès des clients internes, mais d'oeuvrer en bonne intelligence en montrant notre valeur ajoutée. L'approche relationnelle sera, une fois encore, de rigueur. Comme pour les achats directs, nous souhaitons travailler ces catégories en profondeur et sur le long terme : segmentation du portefeuille, analyse du panel et des besoins, détermination des leviers d'action stratégiques propres à chaque famille, etc.
> Activité : agro-alimentaire
> CA 2013 consolidé : 300 M€
> Effectif : 1 300 salariés
> Volume d'achats 2013 : 200 M€
> Effectif achats : 12 personnes