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[Avis d'expert] Déployer des stratégies d'achats responsables : un impératif stratégique

Publié par Christophe Grangeon, Usercube le - mis à jour à

"Quand une entreprise a bénéficié de l'aide publique, c'est la responsabilité du directeur achat de s'assurer que toutes les solutions d'approvisionnement locales ont été étudiées."

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) désigne la prise en compte par les entreprises des enjeux, sociaux et éthiques dans leurs activités. Alors que la crise sanitaire déclenche une crise économique sans précédent, la RSE doit se décliner en une stratégie d'achat responsable qui doit rechercher et privilégier l'achat local et donc français.

Chaque jour amène son lot d'annonces d'entreprises généreuses qui contribuent à l'effort sanitaire via des dons ou le réaménagement de leur production et de chefs d'entreprises et d'actionnaires qui renoncent à leurs dividendes ou à une partie de leurs revenus par solidarité. On ne peut que s'en féliciter, mais il ne faut pas se leurrer, la RSE ne doit pas se restreindre à ces actions somme toute assez symboliques.

Faire de la RSE un levier de gouvernance

La RSE doit induire un véritable changement dans les comportements à tous les niveaux de l'entreprise. En effet, la crise sanitaire va laisser notre pays en ruine, une dette abyssale, un déficit astronomique et une fraction très importante de la population active au chômage sans doute pour longtemps.

Le gouvernement utilise tous les leviers possibles pour amortir le choc sociétal et maintenir les entreprises en vie selon l'idée que pour protéger les employés, il faut avant tout préserver les employeurs. Les plus grandes entreprises, qui sont souvent aussi les plus solides (80 milliards d'euros de bénéfices pour le CAC 40 en 2019) en profitent très largement via le recours massif au chômage partiel, aux emprunts garantis voire à l'entrée de l'État dans leur capital.Tout cela a un coût et crée une dette phénoménale que nous mettrons plusieurs générations à rembourser. Mais contrairement à l'après-guerre, nul Plan Marshall généreux pour aider à la reconstruction, il faudra rembourser les dettes nous-mêmes, le peuple français, dans un contexte de guerre économique exacerbée.

Sortir de la crise par le haut

Après la bataille sanitaire, nous allons devoir mener la bataille du PIB. Le produit intérieur brut mesure la production de richesse nationale annuelle. Le gouvernement annonce d'ores et déjà un recul probable de 8 % du PIB, mais certains prédisent que la France va revenir au PIB de l'an 2000. C'est pour gagner cette bataille du PIB que la RSE doit jouer son véritable rôle de contribution au bien commun. Certaines enseignes de la grande distribution ont d'ores et déjà décidé de soutenir la pêche et les agriculteurs français. Il faut se féliciter de ces initiatives, mais il faut aller beaucoup plus loin.

La RSE dans les secteurs stratégiques de l'innovation

Le développement de la French Tech ces dernières années a permis l'émergence de solutions largement capables de rivaliser avec les éditeurs internationaux. Dans certains domaines, comme la cybersécurité, la disponibilité de solutions nationales devient une question de souveraineté. En effet, chaque jour nous démontre que nombre de pays étrangers sont dans une simple démarche de prédation. Cela passe par l'application unilatérale d'amendes à nos grands groupes, d'interdiction de commercer avec certains pays, de levées de barrières douanières punitives et jusqu'au détournement de cargaisons de masques. Cette stratégie se matérialise surtout par la systématisation de montages juridiques complexes qui permettent d'échapper quasi totalement à l'impôt et donc au financement du bien commun.

Les éditeurs de logiciels étrangers (notamment aux États-Unis) ont déployé une stratégie de domination tellement puissante, grandement aidée par le "soft power" des grands cabinets d'analystes, que l'accès aux grands comptes est devenu très difficile pour les éditeurs français.

Pour faire simple, les grandes entreprises qui vont le plus bénéficier des aides de l'État expliquent que, même si la technologie française est performante, elles ne prendront pas la peine de l'étudier, car les startups françaises ne sont pas référencées dans les grands classements réalisés par des cabinets d'analystes américains.

Ces comportements ne sont plus acceptables et doivent être dénoncés avec la plus grande vigueur.

Quand une entreprise a bénéficié de l'aide publique, c'est la responsabilité du directeur achat de s'assurer que toutes les solutions d'approvisionnement locales ont été étudiées. Quand 100 K€ HT sont dépensés pour un logiciel de la French Tech, c'est un développeur R&D payé pendant un an et 100 K€ directement injectés dans l'économie nationale. Par le poids des prélèvements obligatoires, près de 45 % reviennent directement au financement de l'État. Quand 100 K€ sont dépensés pour acheter un logiciel étranger, une très petite fraction sert à payer les frais commerciaux, mais le reste est perdu à jamais.

Il est temps d'avoir une politique d'achat responsable, surtout dans les grandes entreprises et structures publiques, et d'aligner enfin les actes concrets avec les grandes déclarations d'intentions.

Par Christophe Grangeon, directeur général de Usercube

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