Les start-up achats, alliées des grands groupes
On a souvent besoin d'un plus petit que soi. Source d'innovation et de performance pour les directions achats, les start-up ont aussi explosé dans le secteur des achats. Exemples d'initiatives lancées par des grands groupes et conseils pour mener au mieux la collaboration start-up/grand compte.
Je m'abonneDepuis 2010, une start-up achats se créé chaque semaine. Une étude menée par le cabinet conseil Olivier Wyman, présentée à l'occasion d'une matinale organisée par l'EBG, a classé près de 700 start-up du domaine des achats ou approchant (voir en page 2). Stéphane Rousselle, senior knowledge expert chez Oliver Wyman, en tire deux enseignements : c'est la fin des solutions globales, et le début de l'ère du digital procurement, avec l'avènement de la robotisation et de l'automatisation dans les process. Dans ce cadre, les start-up deviennent un véritable levier d'efficacité grâce aux solutions innovantes qu'elles développent. "Les achats doivent identifier les technologies intéressantes pour des cas d'usage spécifiques, puis co-développer les solutions avec des start-up", conseille Stéphane Rousselle.
Des outils au service de la robotisation
Olivier Gourmelon, directeur des achats de Siemens France, s'est intéressé à la solution big data d'une start-up pour opérer du data mining (exploration de données), afin de faire parler les chiffres et visualiser les flux pour agir dessus. "On voit tout de suite ce qui ne marche pas, le rework, les goulots d'étranglement... C'est ce qui nous permet d'améliorer le process, en allant plus rapidement et en comparant", se réjouit-il. Mais c'est aussi un moyen de fiabiliser les données achats. Siemens a vu la fiabilité de ses données au niveau groupe passer de 80 à 98% sur une nomenclature de 3000 articles. Enfin, le big data leur a permis de robotiser les étapes du process supply chain. "Un bon travail de standardisation en amont rend le process moins long. Une très grande partie de la supply chain est automatisable", relève Olivier Gourmelon. A condition d'entreprendre la refonte totale du process, car un robot a une sensibilité aux variations accrue par rapport à un homme, raison pour laquelle il détectera très vite des anomalies et bloquera plus facilement.
Une aide à la transformation des process
Six acheteurs d'Air France ont testé la collaboration avec Silex. Une initiative qui a bousculé les process internes mais qui, reconnaît Magali Viala, adjointe au directeur des achats d'Air France, a aussi insufflé de l'agilité et de la co-construction. Et pour la responsable achats, il faut se concentrer d'abord sur la valeur d'expérimentation de la start-up plutôt que de rechercher un résultat potentiel et un ROI. "Il faut maximiser l'expérimentation pour pouvoir déployer l'outil au maximum", retient Magali Viala. Une fois seulement le produit testé et industrialisé, on peut calculer le ROI. "Les start-up nous ont aidé à nous transformer", assure-t-elle.
Pour avancer ensemble, encore faut-il que les services achats et les entreprises plus globalement jouent le jeu et alignent leur échelle de complexité sur celle des start-up, ce qui requiert d'engager le dialogue. Pierre Laprée, fondateur de la start-up Per Angusta et ancien directeur achats d'Adecco, reconnaît depuis qu'il est passé de l'autre côté de la barrière avoir eu quelques travers. Fort de ce constat, il préconise plusieurs choses à l'adresse des acheteurs :
- s'aligner sur les échelles de temps. "Désormais les grands groupes peuvent sourcer des start-up. Le prochain travail c'est de passer à l'acte en moins d'un an."
- intégrer la notion de risque, voire même développer une appétence au risque. "On peut se planter et il faut l'accepter. Il faut voir la start-up comme un stagiaire. On la recrute plus vite, on passe du temps à la former, on rencontre des difficultés mais quand ça se passe bien c'est génial."
- s'aligner sur une échelle d'argent et limiter la négociation du prix. "Chaque euro donné à la start-up est récupéré en 5 ou 10 fois, il faut le voir comme un investissement. Négocier 3000 euros n'est pas impactant pour un grand compte, en revanche c'est un salaire en moins pour la start-up."
Comment sourcer les start-up achats ?
Pour aider les acheteurs à sourcer ces jeunes pousses, le cabinet Olivier Wyman a classé 700 start-up du secteur achats en 4 grandes catégories : procurement solutions (356 start-up qui se focalisent sur un bout de la chaîne de valeur, globales ou positionnées sur une industrie ou une catégorie achats spécifique), service providers (125 start-up plutôt issues du consulting), marketplace BtoB (173 classifiées par pays, secteur ou généralistes) et digital procurement (61 start-up spécialisées dans l'IA, le big data ou la blockchain)."Le futur, c'est cette dernière catégorie. Les start-up spécialisées dans l'AI vont classifier les données de manière quasiment automatique. Elles ont un intérêt pour les grandes entreprises qui possèdent plusieurs ERP, et surtout pour les achats indirects. Le big data va quant à lui servir le process mining et permettre de capter les signaux faibles dans une base fournisseurs. Le RPA (robotic process automation) va automatiser la fonction administrative de l'acheteur. La blockchain trouve déjà son utilité pour l'achat d'objets d'art", résume Stéphane Rousselle.
L'étude complète sera disponible à partir du mois de janvier.
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