Devoir de vigilance: quelles conséquences pour les entreprises ?
Publié par Aude Guesnon le - mis à jour à
Plusieurs arbitrages gouvernementaux ont été pris, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve : ce sera aux personnes s'estimant lésées par les actions d'une société donneuse d'ordres de démontrer la faute de cette entreprise, et non aux entreprises de démontrer l'absence de faute.
La proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre a été adoptée le 23 mars par l'Assemblée Nationale en 2e lecture. Le Sénat doit maintenant se pencher sur ce texte qu'il avait déjà rejeté le 21 octobre 2015. A-t-il évolué depuis? Quelles seront les conséquences pour la compétitivité des entreprises françaises de cette loi, sil elle devait être adoptée? Le point avec Eric Mugnier, associé EY, cabinet spécialisé en droit, et Benjamin Thouverez, manager EY.
En quoi le texte a-t-il été modifié depuis son origine et quelles raisons et implications de ces changements ?
Si plusieurs amendements ont été introduits en 2e lecture par différents parlementaires, aucun n'est venu modifier substantiellement le texte, qui a donc été adopté conforme par l'assemblée nationale. C'est donc un texte identique que le Sénat va devoir réexaminer en deuxième lecture dans les prochains mois. L'objectif annoncé du gouvernement est l'adoption avant la fin de l'année.
Plusieurs arbitrages gouvernementaux ont été pris, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve : ce sera aux personnes s'estimant lésées par les actions d'une société donneuse d'ordres de démontrer la faute de cette entreprise, et non aux entreprises de démontrer l'absence de faute. Cet arbitrage vient dans le sens d'un rééquilibrage du texte qui était jusqu'alors pénalisant pour les entreprises et générateur d'une forte inquiétude chez les dirigeants. Cela semble un bon compromis.
Comment les entreprises peuvent-elles vérifier que leurs sous-traitants respectent les droits de l'homme et assurent à leurs salariés des conditions de travail satisfaisantes ?
La plupart des grandes entreprises ont d'ores et déjà pris des dispositions pour s'assurer que leurs fournisseurs et leurs sous-traitants de rang 1 prennent des mesures anti-corruption, respectent les droits de l'homme, assurent à leurs salariés des conditions de travail satisfaisantes, etc. Les autres ont encore à se mettre au niveau attendu et disposent pour cela de plusieurs leviers : cartographie des risques, chartes et codes éthiques, formation des cadres dirigeants, clauses contractuelles, évaluation à distance, audits sur site, sont autant d'outils à la disposition des entreprises afin de gérer leurs risques de façon efficace.
Un autre levier consiste à mettre en oeuvre un système d'alerte de type whistleblowing, afin de permettre aux parties prenantes externes (ONG, clients, fournisseurs) de les alerter sur les risques dont ils ont connaissance et ainsi de créer un cercle vertueux d'attention dans l'ensemble de la chaîne de valeur. Faire ce travail auprès des fournisseurs de rang inférieur à 1 reste toutefois un casse-tête pour la grande majorité, mais il est possible de combiner des approches quantitatives (pour identifier les pays et les familles d'achat à risque) et qualitative (pour descendre dans la chaîne d'approvisionnement ou obliger le rang 1 à le faire) pour obtenir des résultats. Pour tout cela il faut du temps et des ressources.