Achats bio : Respect et transparence vis-à-vis de ses fournisseurs
Publié par Eve Mennesson le | Mis à jour le
Manque de clarté des différents labels, difficultés d'approvisionnement, nécessité de s'assurer que les pratiques sont respectueuses de la santé, de l'environnement et des hommes : les acheteurs ont beaucoup à faire. Et si la solution était une relation basée sur le respect avec ses fournisseurs?
Avec une croissance de 17 % (2017 vs 2016 - Agence Bio), le marché des produits bio est assurément l'un des plus porteurs. Mais l'offre a du mal à suivre la demande et les importations sont de mise. Avec les conséquences négatives que cela peut représenter en termes de qualité, mais aussi d'impact social et environnemental. Car si les clients finaux cèdent aux sirènes des produits bio et de leurs prix souvent plus élevés, c'est parce qu'ils pensent ainsi accéder à des produits plus sains, mais aussi meilleurs pour l'environnement et respectueux des hommes et des femmes. Ce que ne garantit absolument pas la plupart des labels biologiques et écologique s. Ainsi, avec des fournisseurs français encore peu nombreux et des labels pas toujours lisibles et exhaustifs, les problématiques des achats bio semblent parfois insurmontables. Comment réussir malgré tout à acheter bio et à s'inscrire dans ce marché en pleine croissance ? Se repérer dans le labyrinthe des labels De nombreux labels biologiques et écologiques existent. Ils n'offrent pas tous les mêmes garanties et sont différents d'une catégorie de produits à l'autre. Dans l'alimentaire, le label le plus connu est le français AB. Il impose une interdiction totale des pesticides et engrais chimiques de synthèse ainsi que des OGM. Ce label est désormais semblable en termes de critères au label bio Europe (la fameuse feuille verte). C'est pourquoi a été créé Biocohérence, qui reprend les anciens critères, plus stricts, du label AB : aliments 100% français, revenu décent et bien-être animal. D'autres labels vont également plus loin que le label bio européen : Biopartenaire qui ajoute des critères de commerce équitable, Demeter qui favorise la biodiversité et enfin Nature&Progrès qui milite pour un respect des plantes, des animaux et des hommes. Dans les cosmétiques, le label Ecocert est le plus connu et utilise le cahier des charges Cosmos : garantie d'au minimum 95% d'ingrédients d'origine naturelle, minimum 95% d'ingrédients bio parmi les agro-ingrédients physiquement transformés et minimum 20% d'ingrédients bio sur tout le produit ; mais également respect du vivant, procédés de fabrication doux et non polluants, etc... Le label Cosmébio travaille désormais avec Ecocert et utilise le même cahier des charges (Cosmos). Natrue, enfin, est le label qui va le plus loin : tous les ingrédients et tous les procédés de fabrication sont vérifiés. Dans le textile, le GOTS (global organic textile standard) est celui qui est le plus strict : le processus de fabrication des vêtements est étudié depuis la production jusqu'au mode de distribution en s'intéressant à des critères environnementaux et éthiques. Le label Oeko Tex est plus connu , mais va moins loin, ne s'intéressant qu'au textile en lui-même. Des critères environnementaux et humains sont cependant analysés. Ecocert a également un label, ERTS, qui s'intéresse lui aussi aux critères environnementaux et humains sur toute la chaîne de production. L'Ecolabel Européen (la fleur européenne) se retrouve dans différentes catégories : cosmétiques, textiles , mais aussi produits d'entretien. L'objectif est d'avoir un impact minimal sur l'environnement, de sa production à son élimination, tout en étant performant : le produit labellisé doit être aussi efficace qu'un produit de référence du marché. Un sourcing délicatPremière problématique des achats bio : le sourcing. En effet, à quels critères peut-on se fier pour choisir ses fournisseurs ? Les labels sont une bonne indication, à condition de bien étudier ce qu'ils recouvrent, n'ayant pas tous les mêmes exigences. La société Coud2Main, qui propose des kits prêts à coudre en coton bio, a ainsi décidé de travailler avec des fournisseurs labellisés GOTS. "C'est le label le plus exigeant qui garantit qu'il n'y a aucune substance nocive" , explique Fei-Ching Lee-Tissot, la fondatrice de la société. Elle souligne que le label Oeko-Tex, par exemple, n'exclut pas des matières synthétiques comme le polyester, potentiellement nocif pour la santé et l'environnement. Les labels ne sont donc pas une garantie sans faille. Un documentaire du journaliste Eric Wastiaux sur la face cachée du bio low cost (Pernel Média - 2016) pointait l'impact écologique négatif de tomates labellisées bio qui étaient cultivées en Espagne... sous serre chauffée ! Le même documentaire révélait par ailleurs que les ouvriers agricoles récoltant ces tomates étaient sous-payés et vivaient dans des conditions désastreuses. Il s'agit donc d'aller plus loin que les simples certifications. D'autant plus que, selon certains interlocuteurs, leur fiabilité n'est pas sans faille. Une personne travaillant dans l'agroalimentaire, mais qui souhaite rester anonyme, pense qu'il existe, dans certains pays, une complaisance dans l'attribution de la mention "bio" . "Il faut être prudent et ne pas s'arrêter aux documents", pointe-t-elle. Son conseil : poser des questions détaillées et lancer un audit immédiatement si les réponses sont peu pertinentes et surtout peu concordantes. "Il faut aussi éviter les intermédiaires le plus possible pour réduire les risques", ajoute-t-elle. Un point de vue partagé par Suzanne Samama, la fondatrice de la marque Ever Bio Cosmetics, qui propose des soins bio à l'huile de graines de figues : elle invite à bien connaître ses fournisseurs et surtout les agriculteurs à l'origine de ses produits et à favoriser des circuits courts. "Sinon, comme l'argent est roi, les intermédiaires s'arrangent avec les normes : il s'agit finalement de grilles et il est toujours possible de les contourner", prévient-elle. Conscients de ces limites, les transformateurs et distributeurs de produits bio organisent des audits de leurs fournisseurs. À l'image de la société Nat-Ali, spécialiste des aliments en poudre : elle audite chaque année entre trois et quatre fournisseurs. "Nous auditons les certifications, mais aussi la gestion des contaminants, les agréments sanitaires, les démarches RSE, etc... Nous analysons également les matières premières pour détecter la présence éventuelle de métaux lourds ou de pesticides" , décrit Magali Jost, co-dirigeante de Nat-Ali. Chez Léa Nature, chaque fournisseur envisagé subit un audit de pré-référencement. "Nous vérifions les basiques du bio, mais aussi la traçabilité et leur mode de fonctionnement, notamment avec leurs propres fournisseurs. Nous attachons de l'importance aux critères sociaux et environnementaux , raconte Katy Texier, chef de service qualité alimentaire chez Léa Nature. Les fournisseurs sont ensuite audités tous les cinq ans pour les plus importants. Lire la suite en page 2: Le témoignage de Wessanene - La rareté des produits bio made in France | ||||