Nouvelles mobilités : Who's the boss ?
Publié par Bruno Mouly le | Mis à jour le
Véhicules électriques, autopartage, covoiturage, transports en commun, vélos voire trottinettes...L'offre de ces nouveaux modes de mobilité des entreprises passe par des politiques d'achats qui divergent selon leur taille, leur activité et leurs organigrammes. Mais les décisions en la matière sont souvent collégiales entre DRH, direction RSE et direction financière impliquées dans la mobilité globale des salariés, et servies par la direction des Achats.
À l'heure de la profonde mutation énergétique et sociétale des déplacements professionnels et de la transformation en conséquence du métier de gestionnaire de parc, les entreprises adoptent des politiques d'achats diverses de nouvelles mobilités pour leurs salariés, selon leur taille, la nature de leurs activités et leurs priorités économiques, environnementales ou d'emploi. « Elles essaient de trouver un point d'équilibre entre leurs enjeux environnementaux, leurs capacités financières et de réduction des coûts et leur attractivité sur l'embauche ou la fidélisation de nouveaux talents » résume Laurent Hauducoeur, directeur commercial de Traxall France, gestionnaire de flottes externalisées. C'est ainsi que chez le grossiste alimentaire Metro France, on prend « des décisions systémiques et globales sur la politique de mobilité des collaborateurs, fruits d'une concertation entre la DRH, la direction RSE, la direction commerciale et la direction financière » indique Sandra Levy, sa directrice des achats internes et de l'énergie. Pour respecter son triptyque « Profit, People, Planet », le géant de la distribution de produits en gros n'hésite cependant pas à rogner sur ses impératifs économiques au profit de sa politique RSE de réduction d'émissions de CO2 et de fidélisation des salariés. « Payer plus cher des véhicules électriques, par exemple, peut être une option si la décarbonation de notre flotte est plus forte et si ces véhicules de nouvelle génération répondent aux aspirations d'usage de nos collaborateurs » révèle-t-elle.
PME et ETI : des arbitrages réalisés pour gagner en attractivité
En revanche, les PME aux moyens financiers plus limitées, arbitrent souvent leur choix d'électrification de leur flotte au détriment de leur enjeu environnemental, mais au profit de leur attractivité. « Elles rétropédalent sur l'achat de véhicules électriques et l'installation nécessaire de bornes de recharge qui leur coûtent cher, sans compter la réticence persistante des salariés à passer aux véhicules zéro émissions » souligne Laurent Hauducoeur. Mais au-delà du greenwashing, la plupart des PME, voire des ETI, devront véritablement se mettre à décarboner leur flotte, un critère qui devient de plus en plus décisif dans les appels d'offres des grands donneurs d'ordre. Pour ces derniers, la démarche est plus facile à mener par des politiques d'achats progressives et ambitieuses de véhicules électriques et d'implantation de points de charge.
Directions RSE et RH main dans la main
Ainsi, le groupe Télécoms Orange n'a pas hésité à électrifier sa flotte et en a même été un pionnier. « Nous n'avons plus de véhicules diesel dans notre Car Policy où nous proposons de plus en plus de véhicules électriques. Notre objectif est d'atteindre en 2025, 50 % de notre parc global de plusieurs de milliers de véhicules, en modèles électriques, full hybrides et hybrides rechargeables » expose Alexandre Nepveu, son directeur adjoint de la gestion des véhicules. Cette direction de l'entreprise est la pierre angulaire de la stratégie d'électrification du groupe qui s'inscrit plus largement dans sa politique globale de mobilité menée conjointement par ses directions RSE, RH et donc de la gestion des véhicules.
Précurseur également dans les véhicules zéro émissions, SAP Labs France, la branche R & D de l'éditeur de logiciels SAP France, a basculé la totalité de sa flotte de 270 voitures, en véhicules 100 % électriques dès février 2022. « Nous avons anticipé à partir de 2015 la stratégie environnementale de notre maison mère allemande SAP pour rendre aujourd'hui notre parc 100 % électrique, quoi qu'il en coûte ! » revendique Benoît Duval, son gestionnaire de parc.
Mais les nouveaux usages de mobilité en entreprise ne se limitent pas aux véhicules électriques. Il s'agit aussi de mettre en place des véhicules en autopartage, de promouvoir le covoiturage domicile travail en coopération avec un opérateur spécialisé, d'acquérir des flottes de vélos électriques, voire de trottinettes ou encore d'inciter les salariés à pratiquer des mobilités douces via le Forfait mobilités durables (FMD) ou des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle avec le Crédit Mobilité... Cela passe par des achats de véhicules de service adaptés au partage, de plateformes de réservation de trajets auprès d'opérateurs de covoiturage, ou de vélos ou de trottinettes électriques auprès de fabricants.
L'incontournable poids des DRH
Si les décisions d'achats de véhicules électriques reviennent en général aux DRH, « la politique d'offre globale de nouvelles formes de mobilité est souvent dictée de façon collégiale par la DRH, la direction RSE et la direction financière, les clients internes de la direction des achats » analyse Laurent Hauducoeur. Mais cela dépend souvent des organigrammes spécifiques des entreprises. Chez Metro France, l'offre de ces nouveaux usages de déplacement professionnel est décidée et gérée par le service Care (rattaché à la DRH), qui rassemble les domaines de la qualité de vie au travail, de la santé et de la sécurité des salariés et de leur mobilité. « Ce département s'occupe des véhicules en autopartage, de l'installation d'une flotte de vélos et de trottinettes électriques, ainsi que de l'instauration du FMD » assure Sandra Levy. Pour l'heure, Metro France propose seulement une dizaine de véhicules en autopartage, une dizaine de vélos électriques et une dizaine de trottinettes. En revanche, le Crédit Mobilité mis en place par l'entreprise qui consiste à attribuer un budget annuel de transports multimodaux aux collaborateurs en remplacement de leurs voitures de fonction, rencontre un franc succès. « Un quart des salariés l'ont adopté dont 75 % dans sa version intégrale et 25 % dans sa version hybride qui attribue aux salariés un plus petit véhicule de fonction et une enveloppe financière complémentaire » se réjouit-elle. Ce Crédit Mobilité a entraîné la suppression de 25 voitures de fonction.
Misant plutôt sur l'autopartage, Orange propose, de son côté, un catalogue de véhicules dédiés et dispose déjà de 3 800 véhicules de service partagés. « Notre stratégie d'électrification du parc et de nouveaux usages de mobilité des collaborateurs, trains, avions, autopartage... est définie par notre grande direction Facility & Mobility Management à laquelle ma direction appartient » explique Alexandre Nepveu. Le groupe n'a pas choisi d'instaurer des flottes de vélos ou de trottinettes destinées à ses salariés pour des raisons de sécurité.
Car policy : concrétisation de l'ambition de l'entreprise
Chez SAP Labs France, on lance peu d'initiatives en matière de nouvelles mobilités. Pas d'instauration du FMD, une expérience de covoiturage peu probante et une flotte de vélos électriques en libre-service restreint à six unités sur un seul site. « Nous réfléchissons à installer l'autopartage et le Crédit mobilité en suivant l'exemple de notre maison mère française SAP France » glisse Benoît Duval. En revanche, sa Car Policy et son mode d'attribution des véhicules électriques sont très originaux. « Nous ne proposons pas de catalogue de voitures de fonction. Les salariés choisissent librement et directement leur modèle qui doit être 100 % électriques et dont le prix maximum ne doit pas excéder 79 000 euros. En contrepartie, ils participent au montant de la voiture choisie en proportion de son prix, et a minima par un euro par mois pour les plus petit modèle » détaille-t-il. Du coup, le parc est composé à 60 % de Tesla, mais aussi d'une bonne part de Volkswagen ID.3 et ID.4 complétées par quelques Hyundai et Kia électriques. « En général, la Car Policy des flottes concentre et matérialise les ambitions de chaque entreprise. C'est un sujet d'achat piloté par les comités exécutifs en concertation avec les DRH, directions Achats, directions financières et directions RSE » remarque Laurent Hauducoeur. Quant au gestionnaire de parc, tout dépend du périmètre de compétences que lui donne l'entreprise. Il apporte souvent son expertise réglementaire et fiscale sur l'offre de véhicules et l'ensemble de ces éléments à la construction de la politique de mobilité des collaborateurs.
Le Calvados adopte une politique d'achat de mobilités durables
Mise en place d'un plan Mobilité Employeur, du FMD, de l'autopartage de véhicules de service, du renouvellement de la flotte en véhicules électriques...Le département innove tous azimuts dans son offre de nouvelles mobilités. « Nous avons adopté une politique d'achats durables à la croisée de nos stratégies RH, économiques et de mobilité pour réduire l'empreinte carbone des déplacements de nos agents, renforcer notre attractivité et optimiser les coûts de notre flotte » résume Cédric Le Floch, son directeur des achats publics. Le Calvados a choisi de décarboner son parc de 500 véhicules en l'électrifiant progressivement et en testant des énergies alternatives comme le GPL ou le biocarburant sur certains véhicules techniques. Il propose aussi à ses salariés un système de réservation de véhicules de service pour le déployer à 160 véhicules en autopartage à fin 2023. « A la direction achats, nous nous occupons des marchés, des moyens généraux et de la logistique. Mais nous coconstruisons aussi notre politique de mobilités avec la DRH, la direction immobilière et la direction financière » indique-t-il.