"Halte aux rétrocommissions! Il faut pouvoir acheter à juste prix"
Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
Pour lutter contre la pratique frauduleuse de la rétrocommission dans le monde de l'immobilier tertiaire, Génie des Lieux propose une charte d'engagement et de transparence à tous les acteurs du métier. Explications avec Pierre Bouchet, directeur associé et fondateur de Génie des Lieux.
Décision Achats : Génie des Lieux s'engage sur le sujet des rétrocommissions. Est-ce une pratique récurrente?
Pierre Bouchet, directeur associé de Génie des Lieux : Le sujet des rétrocommissions a toujours existé. Cette pratique frauduleuse, bien que répandue, vise à rémunérer indirectement une prestation intellectuelle via l'industriel du mobilier de bureau après que le maître d'ouvrage l'ait sélectionné, et sans que le maître d'ouvrage ait la connaissance de cette commission. Le prestataire, peut par conséquent lors de l'appel d'offre diminuer fortement son offre dans la mesure où il récupère une rétrocommission versée par l'industriel dans un second temps.
Par exemple, lors de l'installation du siège d'un grand journal parisien, il y a de cela des années, une rétrocommission de près de 10% du projet mobilier nous avait été proposée par l'industriel à notre cabinet de conseil en aménagement. Aujourd'hui, la pratique n'a pas beaucoup évolué.
Cela entraîne une concurrence déloyale. Ainsi, lors d'un appel d'offre, le prix de la prestation intellectuelle réalisée par l'assistance à maîtrise d'ouvrage n'est pas conforme à la réalité. Et les prix de l'appel d'offre des fournisseurs de mobilier sont gonflés car ils tiennent comptent de la rétrocommission. Ce que sous-estiment les acheteurs. Or, il faut pouvoir acheter à juste prix !
D. A : Selon vous, les acheteurs ne sont pas assez au courant de cette pratique....
Pierre Bouchet : Les acheteurs ne prennent pas suffisamment conscience du phénomène et les directeurs de l'environnement de travail (anciens responsables des services généraux) ne sont pas suffisamment informés sur la question. Ils ne connaissent pas vraiment ce fonctionnement des dessous de table ou considèrent que ce n'est pas leur problème. Les acheteurs doivent comprendre qu'il n'y a pas uniquement le prix lorsqu'ils achètent une prestation intellectuelles. Ainsi, le jour où un industriel est sélectionné pour l'aménagement d'un bureau, l'acheteur doit pouvoir exiger une annexe qui prouve qu'il n'y a pas eu de rétrocommission demandée.
D. A : Comment comptez-vous procéder ?
Pierre Bouchet : Nous souhaitons que des critères d'indépendance soient inclus dans les appels d'offres. Il doit exister une pondération des critères économiques et techniques répartis souvent entre 30 et 70%. On devrait pouvoir trouver écrit noir sur blanc "indépendance de la prestation" dans la note de critère technique. Comme par exemple : 20% capacité d'indépendance, 40% capacité technique, 40% critère économique. Nous proposons une charte d'engagement pour la transparence et contre le rétro-commissionnements.
Ainsi, chez Génie des Lieux, nous disposons d'attestations d'indépendance signés par les industriels du mobilier de bureau ainsi qu'une charte éthique interne aux consultants. De plus nous attestons sur l'honneur ne disposer d'aucun lien capitalistique avec les industriels.
Enfin, nous espérons réunir en début d'année 2014, une table-ronde sur la thématique avec de nombreux professionnels.
Dans sa charte d'engagement pour la transparence et contre le rétrocommissionnement, Génie des Lieux propose à tous les acteurs de l'immobilier tertiaire (agences conseil, cabinets de space-planning et d'architecture, maîtres d'oeuvre, maîtres d'ouvrage, acheteurs, industriels, distributeurs...) de "promouvoir cette démarche et de mettre fin à des pratiques incompatibles avec les engagements sociétaux des entreprises".
1/Le maître d'ouvrage s'engage :
- à intégrer un critère de notation spécifique d'indépendance dans les procédures d'achats de prestations intellectuelles. Exemple : 20% capacité d'indépendance, 40% capacité technique, 40% critère économique
- à intégrer dans les procédures d'achats d'équipements d'aménagement et de mobiliers, un critère sélectif déontologique de non versement de commission aux cabinets de conseil en aménagement ou à un quelconque intermédiaire.
2 / Les cabinets de conseils en aménagement s'engagent :
- à préciser leurs liens éventuels avec des industriels, distributeurs, designers,
- à fournir toute preuve de leur engagement, démontrant leur indépendance. Exemple : attestation sur l'honneur de non rétrocommissionnement, charte éthique interne, attestations des industriels, ...
3 / Les industriels et distributeurs s'engagent
- à préciser leurs liens éventuels avec les cabinets de conseil en aménagement
- à fournir une attestation sur l'honneur de non versement de commissions aux cabinets de conseil en aménagement ou à un quelconque intermédiaire.