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Réforme des marchés publics : les acheteurs dans le flou

Publié par Fabien Humbert le | Mis à jour le

La réforme du code de la commande publique ne devrait pas réellement faire bouger les lignes. Compte rendu d'une récente conférence organisée par IDEAL Connaissances, en partenariat avec l'UGAP et animée par un avocat et un membre du Conseil d'Etat.

Frédéric Scanvic, avocat associé au cabinet Foley Hoag et membre honoraire du Conseil d'Etat, jouait dans cette conférence le rôle du défenseur de la nouvelle ordonnance. Pourtant il a d'entrée émis des réserves quant à sa portée. "Ce texte n'est pour le moment qu'un projet et il ne traite que des principes législatifs, prévient l'avocat associé au cabinet Foley Hoag. Les avancées, les points saillants, ne sont pas si nombreux que cela."

Certaines avancées méritent cependant d'être évoquées. Disons le tout de suite, elles ont d'avantage trait à la forme qu'au fond. Les acheteurs qui attendaient cette ordonnance comme le grand soir en seront donc pour leurs frais. Tout d'abord ce texte met un terme à la confusion qui régnait dans la hiérarchie des normes régissant le droit des marchés publics.

Ce qui sera potentiellement favorable aux collectivités territoriales, qui y trouveront une certaine indépendance dans leur politique d'achat. Ce qui fait dire à Frédéric Scanvic, que "la matière devient politique au sens noble du terme."

Autre avancée: la pléthore de règles autour des appels d'offres, qui existent parallèlement dans plusieurs textes, vont être rassemblées et deviendront donc comparables. Un soucis de rationalisation qui ne peut qu'être salué. Dans le même ordre d'idée, on peut citer l'unification du concept législatif qui consiste à qualifier tous les marchés passés par des personnes morales de droit public de contrat de droit public. "Il s'agit là d'une réelle avancée, car cela permet de simplifier la définition du contrat public", se félicite Frédéric Scanvic. Un avis que ne partageait pas son contradicteur, et néanmoins ami...

La charge de Jérôme Grand d'Esnon

Jérôme Grand d'Esnon jouait quand à lui le rôle de l'avocat du diable. Et il n'a pas manqué de pointer les zones d'ombre, voir les risques engendrés par ce projet d'ordonnance portant sur les marchés publics. Là où son collègue semblait plutôt positif sur la forme, avocat associé du cabinet Carbonnier, Lamaze, et Rasle a estimé que "cette espèce d'ordonnance chapeau sera très difficile à manier pour les utilisateurs", c'est-à-dire en premier lieu les acheteurs... Autre risque, cette ordonnance sera suivie de décrets d'applications dont la teneur est pour le moment inconnue. "Donc nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés", prévient Jérôme Grand d'Esnon.

Sur le fond, seule l'avancée sur les Marchés de Partenariats trouve grâce à ses yeux. Une myriade de petits contrats (les divers BEA(1), l'AOT (2)...) qui étaient tous sur le même mode, c'est-à-dire des investissements publics fondés sur un prêt financement privé, seront en effet rassemblés sous cette appellation.

L'ancien directeur des affaires juridiques du ministère de l'Economie et des Finances regrette par contre l'absence de logique d'ensemble de la réforme, ou le fait que l'évaluation préalable qui s'appliquerait à l'ensemble des marchés publics soit fixé à un seuil un peu arbitraire de 100 millions d'euros. Mais plus inquiétant, Jérôme Grand d'Esnon met en garde contre la fragilité constitutionnelle de l'ensemble.

Le Conseil constitutionnel risquerait en effet de se prononcer sur le fait que l'ordonnance traite de dispositions purement réglementaires comme les règles s'appliquant aux achats de l'Etat. Le projet d'ordonnance risque t'il d'être enterré avant même de naitre ?


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