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Achats publics : comment faciliter l'accès des PME aux marchés publics ?

Publié par Camille George le - mis à jour à

Outre la démat' de la commande publique, faciliter l'accès aux TPE/PME fait partie des objectifs prioritaires des organismes publics qui sont tous ou presque à l'initiative sur la question. Quels sont les outils mis en place, comment fonctionnent-ils et sont-il bien adaptés aux réalités du terrain?

Small business act, adhésion à la charte fournisseur responsable, forums d'échanges, mise en place d'un guichet unique ou d'une bourse à la co-traitance sont autant d'initiatives déployées par les organismes publics, qu'il s'agisse de collectivités territoriales, d'établissements publics ou des achats de l'État.

Conscients de leur intérêt à avoir un plus grand nombre de PME répondant à leurs appels d'offres publics (en termes de qualité de service, l'engagement et l'implication d'une PME est plus important qu'un grand groupe), les acheteurs publics déploient des outils et tentent d'adapter leur méthode de travail pour faciliter l'accès des TPE/PME à leurs marchés. Problème : dans bien des cas, les moyens sont en décalage avec les besoins des candidats. Manquant de réalité terrain, les acheteurs publics ne seraient pas assez pragmatiques selon Gladys Personnaz, fondatrice de GBS Appel d'offres, spécialisé dans l'accompagnement des TPE/PME candidates aux marchés publics. "Il y a, c'est vrai, une véritable volonté de se rapprocher des opérateurs économiques, mais ils ne sont pas assez opérationnels dans l'approche. En pratique, il ne manque pas grand-chose : plus de clarté et une meilleure prise en compte des problématiques terrain des opérateurs économiques de petite taille." D'autant que les TPE/PME ont envie de répondre plus largement aux marchés publics. Si les intérêts des uns et des autres convergent, pourquoi la mise en pratique est-elle si difficile ? Pour tenter d'y voir plus clair, voici un tour d'horizon de ce qu'attendent les PME des acheteurs publics.

Plus de transparence

"On manque de transparence dans les dossiers de consultation", se plaignent régulièrement les patrons de petites entreprises. Les TPE/PME, qui ont moins de recul sur le secteur que les grands groupes, ont besoin d'informations exhaustives. Pour faire travailler les TPE/PME, il faut donc avant tout travailler sur la mise à disposition de l'information. "Par exemple, sur un marché de restauration collective se posera forcément la question de la reprise du personnel et de la quantité à reprendre. Or, dans 3/4 des marchés auxquels nous répondons, nous sommes obligés de poser la question nous-mêmes. C'est à l'acheteur de connaître les points qui seront problématiques dans le renouvellement d'un marché", pointe Gladys Personnaz.

Une définition claire du besoin avant la passation du marché

Si les organismes publics, et particulièrement les collectivités territoriales, multiplient les forums, les rencontres et se rapprochent des CCI pour être en contact avec les opérateurs économiques, il manque aux PME un échange direct avec les techniciens terrain, prescripteurs de ces marchés. Pour bon nombre d'entre elles, les acheteurs publics envisagent encore trop l'appel d'offres comme un acte juridique. Elles demandent une meilleure écoute et une réelle prise en compte des réalités du terrain. Pour que ces rencontres et formations aux outils marchés publics soient efficaces, il est important de travailler le ciblage. "Faire une réunion achats publics globale présente peu d'intérêt, estime Gladys Personnaz. Mieux vaut cibler sur un type de marché, par exemple ; organiser une réunion travaux qui réunira les acheteurs travaux, les techniciens terrain et les entreprises cibles. Les PME ont besoin d'actions pratiques."

Plus d'engagement de la part de l'acheteur

"On fait peser toute la responsabilité du marché sur le candidat, ce n'est pas égalitaire", assène Gladys Personnaz. Le plafonnement des exigences financières, par exemple, devrait être en lien avec les exigences du marché. "On voit encore trop de cas où, pour un marché de second oeuvre à 30 000€, le montant des garanties demandées par l'acheteur est de 3 M€, ce qui veut dire pour le candidat quintupler sa prime d'assurance. Idem pour les allotissements, les plafonds sont les mêmes qu'il s'agisse d'un lot à 3 000 ou à 3 M€. Les garanties devraient être modifiées en conséquence", ajoute-t-elle.

Un besoin de normalisation

Les PME expriment également un besoin d'accéder à l'information de façon harmonisée et normalisée. Sur les profils d'acheteurs, le problème est la décentralisation des achats. "Pour pouvoir mener une veille ne serait-ce qu'un tant soit peu pertinente, il faut regarder 5 à 10 profils différents. À quand une plateforme unique non pas pour le téléchargement des pièces, mais une centralisation obligatoire des publications d'avis au niveau national ? À l'heure du big data, c'est techniquement réalisable et même simple. Cela permettrait de faire gagner du temps et de l'argent à tout le monde, y compris l'acheteur, et cela favoriserait la transparence", estime encore la fondatrice de GBS Appel d'Offres.

Les initiatives de l'État en la matière

Parmi les réponses de la commande publique à ces problématiques, l'exemple de la direction des achats de l'État (DAE), très active sur le sujet, est intéressant. Déjà, au niveau de la DAE, une plateforme unique dématérialisée des achats de l'État existe. Elle se nomme PLACE et permet de consulter et de répondre à l'ensemble des marchés de l'État, des établissements publics relevant de l'État, des CCI et de l'Ugap supérieurs à 25 000€. "Sur PLACE, les opérateurs économiques peuvent effectuer des recherches par zone géographique et par critère, c'est donc un outil intéressant pour des PME locales qui souhaitent accéder aux marchés de L'État", estime Marine Courret, adjointe à la directrice de la plateforme régionale des achats de l'État (PFRA) de PACA.

Sur PLACE, plusieurs services et outils sont disponibles et ont été pensés pour accompagner les PME, dont une fiche pratique sur le MPS (marché public simplifié) qui répond au principe du "dites-le nous une fois" en agrégeant automatiquement les informations déjà collectées par l'Urssaf, l'administration fiscale, etc. "Le MPS est un outil pertinent et offre un vrai gain de temps aux PME. Il gagnerait à être utilisé de façon plus systématique. De même, on espère que le DUME, qui est amené à le remplacer, sera aussi simple et agile dans la pratique", juge Gladys Personnaz.

Bourse à la co-traitance, avantages et inconvénients

Outre un accès facilité au MPS, PLACE propose depuis 2015 une bourse à la co-traitance. Ce qui pour Michel Grévoul, directeur de la DAE, "permet de résoudre la question de la taille et des compétences des petites entreprises, qui peuvent ainsi se rencontrer dans un espace sécurisé en ligne en vue de former un groupement momentané d'entreprises (GME) leur permettant d'accéder ainsi à des marchés de l'État auxquels elles n'auraient pu répondre seules, marchés qu'elles ont ciblés préalablement sur PLACE." À fin 2017, la bourse à la co-traitance de l' État recensait plus de 3 000 entreprises inscrites contre 1 700 fin 2016 (+77 %). "1 113 consultations de l'État ont été attribuées à des GME en 2017 (contre 584 en 2016 soit +91 %) pour un montant global de 4 Md€ sur la durée des marchés, se félicite Michel Grévoul. L'outil est bien adapté sinon nous n'aurions pas autant d'utilisateurs. Nous avions consulté beaucoup d'entreprises avant de le réaliser, les résultats traduisent la prise en compte de leurs souhaits."

Certes, la co-traitance peut être un levier formidable si elle est adossée à une bonne gestion des risques. Car, contrairement à la sous-traitance, elle implique la responsabilité de tous les co-contractants. En cas de défaillance d'un ou plusieurs participants, par effet de domino, la responsabilité est reportée sur le ou les co-traitants restants. Et si la bourse facilite en effet l'intermédiation entre entreprises, il revient aux participants de mesurer le risque et de cadrer juridiquement la responsabilité de chacun. "Il est essentiel de mettre en place une convention de groupement avec adhésion des membres pour garantir une vraie gestion des risques", souligne Gladys Personnaz. Malgré tout, pour l'État, l'essai est concluant. "Nos marchés atteignent des tailles critiques. Nous engageons des démarches de mutualisation en volume qui ne facilitent pas l'accès des TPE/PME. Et même avec l'allotissement technique et géographique, on voit que les micros lots ne sont pas non plus la réponse idéale pour le PME", estime Marine Courret, adjointe à la direction de la PFRA PACA.

Afin de compléter la bourse à la co-traitance, la DAE entend mettre en oeuvre d'ici fin 2018 un guichet unique achat qui garantira une mise en contact rapide (15 jours maximum) avec un acheteur de l'État. "Mon but est qu'il n'y ait qu'un seul point d'entrée commun aux acheteurs de l'État pour organiser, optimiser et fluidifier les contacts acheteurs-entreprises", déclare Michel Grévoul. Des initiatives intéressantes, mais qui concernent seulement les marchés gérés par l'État. Mais, alors que d'autres acteurs publics font le même constat de leur côté (le Conseil Régional de PACA par exemple travaille aussi à l'élaboration d'un guichet unique), ne serait-il pas souhaitable, dans un souci de normalisation, que PLACE et ses outils s'élargissent à l'ensemble des marchés nationaux, territoriaux de tous les organismes publics ?

Zoom

Les actions concrètes de la PFRA de PACA

Les territoires, notamment les Régions, font des efforts pour mieux répondre aux attentes pragmatiques des PME. La région PACA en est l'exemple. "Travailler avec les PME est une démarche qui a du sens. Cela permet de réinvestir l'argent du contribuable dans notre économie et de contribuer à la croissance de nos TPE/PME, indique Marine Courret, adjointe à la directrice de la PFRA de PACA. Nous sommes là pour répondre à des besoins opérationnels de qualité, de réactivité et d'innovation." C'est dans cet état d'esprit que la PFRA de PACA a mis en place, en 2017, un partenariat avec l'Ugap et la DIRECCTE (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de l'emploi) en liaison avec 10 pôles de compétitivité qui représentent 173 PME sur la région PACA. Elle collabore aussi avec la CCI Marseille Provence et multiplie les points de contacts en travaillant le sourcing et en créant des rencontres acheteurs-entreprises. Un forum a ainsi été organisé à Marseille avec plusieurs ateliers thématiques pour expliquer le fonctionnement de PLACE, les clauses d'insertion ou le système de facturation aux entreprises. Pour être pertinent en termes de ciblage, le forum avait pour objectif : 1 acheteur, 1 marché. Bien accueilli, il est appelé à être renouvelé annuellement en changeant de lieu pour couvrir l'ensemble de la région. "Notre mission est de créer du lien. Un acheteur public doit être chez les entreprises ou chez les prescripteurs, sinon c'est qu'il ne fait pas bien son travail", conclut Marine Courret. CQFD.

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